Les policiers ont formé un cordon de sécurité pour empêcher les militants de s’approcher. • © Catherine Bouvet
Publié le 11/02/2021 à 08h14
Ce sont les bus qui sont arrivés en premier, selon des témoins sur place. Il était 5h30. Ont ensuite suivi les policiers. Certains occupants en situation irrégulière, une centaine, avaient quitté les lieux pour échapper aux forces de l’ordre. En temps normal, ce sont plus de 300 personnes qui vivent à la Zone Libre à Cenon, commune voisine de Bordeaux sur la rive droite. Parmi elles, on dénombre une centaine d’enfants.
Evacuation du squat de Cenon, le plus important de l’agglomération bordelaise
“A 7 heures du matin, des agents de l’OFI, Office Français de l’Immigration sont arrivés sur place pour recenser les occupants du squat en fonction de leur situation administrative”, explique Bernie, du collectif Bienvenue.
Les associations craignent que la plupart des occupants soient redirigés vers des hébergements temporaires pour seulement quelques jours. “Certains, on leur propose un logement en Charente alors que les enfants sont scolarisé ici“, relate Bernie.
« Les policiers qui encerclent essaient de maintenir un cordon de sécurité pour empêcher les militants de s’approcher », explique Aude Saldana-Cazenave. « Il y a eu des gazages à distance de bras, plusieurs personnes ont été touchées ».
Aude Saldana-Cazenace, coordinatrice de Médecins du monde en Nouvelle-Aquitaine, est donc également sur place. « On n’a pas de contact avec la préfète, le dialogue est coupé depuis l’arrivée de Fabienne Buccio et l’évacuation de plusieurs squats l’été qui a suivi. Depuis le début c’est un combat de chiffres. Là, vous voyez, les personnes évacuées du squat de la rue Hortense ( Bordeaux, quartier Bastide NDLR ) lundi rive droite n’ont été hébergées que trois nuits. Aujourd’hui, elles sont de nouveau à la rue. Là on leur propose une place en CADA lorsqu’ils sont en situation régulière c’est bien, mais pour les autres c’est le 115 et des places d’hébergement d’urgence. Ce ne sont donc pas des solutions pérennes“.
La préfecture fait appel à la solidarité régionale
Ce squat existe depuis novembre 2019. Selon la préfecture, cette évacuation est menée en application de l’ordonnance d’expulsion prononcée par un juge datant de janvier 2020 qui peut casser la trêve hivernale. ” On a commencé à travailler sur les solutions de relogement pour pouvoir trouver des solutions pour toutes ces personnes. Compte tenu de l’importance de ce squat avec 146 personnes, il a fallu que l’on fasse appel à la solidarité régionale de nos collègues dans les autres départements pour pouvoir établir une liste de logements qui correspondent au statut de ces personnes.” affirme Delphine Balsa, directrice de cabinet de la préfète de région.
On a de quoi loger toutes les personnes qui sont ici, nous les accompagnons dans les bus, on leur indique les conditions d’accueil.
Les personnes sont logées en fonction de leur statut. S’ils sont réfugiés, en cours de demande d’asiles par exemple, elles ont accès à des logements provisoires. Si les personnes sont déboutées du droit d’asile, elles sont dans un autre cadre juridique. Les services de la préfecture leur proposent une aide au retour dans leur pays d’origine.
A 8h30, une centaine de personnes avaient été évacuées certaines d’entre elles dans des bus ayant pour destination Guéret ou encore Limoges. Toujours selon la préfecture, le propriétaire des lieux doit dans la foulée de l’évacuation faire intervenir des bulldozers.
Un communiqué a été signé par de nombreuses associations et partis politiques. On peut y lire, “nul ne vit dans un habitat précaire par choix. Toutefois cette stabilité géographique a permis une scolarisation massive de tous les enfants, une inscription dans les démarches administratives avec un réel suivi social et médical pour toutes les familles. Ces dernières n’ont jamais hésité à se rapprocher des institutions, dans l’objectif d’être insérées dans la société. Depuis un an et demi, des familles ont vu leur situation évoluer. Certaines ont trouvé un logement, d’autres ont obtenu des titres de séjour (…). La préfète n’a jamais répondu à nos demandes d’audience. La préfète ne s’est jamais engagée sur des délais, laissant en toute connaissance de cause des familles entières dans l’angoisse permanente“. Par ailleurs, le communiqué évoque une pétition nommée “mise a l’abri des personnes laissées dans la rue” . Elle a déjà recueilli plus de 31 000 signatures.
La ville de Bordeaux ouvre son Athénée municipal pour la journée
“Pour mettre à l’abri les personnes vulnérables, la coopération institutionnelle est indispensable”, écrit la mairie de Bordeaux dans un communiqué envoyé jeudi à 13h.
Ces expulsions interviennent au pire moment : au cœur de l’hiver, au cœur de la crise sanitaire. Seul un diagnostic social partiel et ancien a été réalisé.
Mairie de Bordeaux
Selon la mairie de Bordeaux, le 115 en Gironde ne dispose pas de 300 places libres et précise qu’en octobre dernier, la mairie avait ouvert un hangar quai de Brazza dans l’urgence, en pleine tempête, en plein week-end, pour y abriter 150 personnes qui venaient d’être expulsées du campement de Lajaunie. La gestion de ce hangar mobilise du personnel du CCAS et des moyens financiers. “La Ville a ouvert la salle Gouffrand le 25 novembre, sans aucune aide. Elle accueille entre 15 et 20 jeunes sans-abris avec leurs chiens, soit 1050 nuitées à l’abri, autant de douche de dîners et de petits déjeuners. La Ville a mis à l’abri dans son patrimoine municipal, depuis 6 mois, 37 personnes”.
Bordeaux s’inscrit dans les propositions du Ministère chargée du Logement pour résorber les squats et bidonvilles. Ainsi, la municipalité bordelaise accueille pour la journée à l’Athénée municipal “les hommes, femmes et enfants, arrivés sur le parvis de la cathédrale dans la matinée. Un diagnostic social pourrait y être réalisé par l’Etat, en partenariat avec le CCAS de Bordeaux, pour que des solutions acceptables soient trouvées avant le couvre-feu de 18h.”
58 personnes ont accepté la proposition d’hébergement faite par l’État
Dans un communiqué jeudi après-midi fait le bilan des relogements. Au total, 58 personnes ont accepté la proposition d’hébergement faite par l’État. Elles ont été acheminées en bus vers les villes de Bordeaux, Guéret, Limoges, Angoulême et Agen, indique la préfecture de Gironde.
“Ce sont 230 places (122 hors Gironde, 108 en Gironde) qui avaient été réservées dans 9 des 12 départements de la région Nouvelle-Aquitaine, grâce à la mobilisation des préfets et des services de l’État. Toutes les personnes qui le souhaitaient se sont donc vues proposer une solution de mise à l’abri. Des masques, du gel et des paniers repas leur ont été distribués”.
“Tous les occupants ont pu récupérer leurs affaires personnelles avant de quitter les lieux. Le reste des biens a été stocké dans un garde-meubles par l’huissier de justice pour une durée maximale d’un mois comme le prévoit le cadre réglementaire applicable”.
C.O avec Catherine Bouvet