Par Benoît Vitkine (Moscou, correspondant)
Reportage Ils sont juristes, médecins, créateurs d’entreprise… Le 24 février, la vie de ces Russes a basculé. Hostiles à l’« opération militaire spéciale » de leur président en Ukraine, inquiets de l’effondrement économique à venir, terrifiés de voir se refermer le « rideau de fer », ils ont fait leurs valises et quitté leur pays.
Ioulia T. appartient à une génération de Russes qui pensait en avoir fini avec les soubresauts de l’histoire. Une génération devenue adulte dans les féroces années 1990, assez raisonnable pour se tenir à distance de la politique. De toute sa vie, la juriste de 44 ans n’aura participé qu’à un seul mouvement de protestation, en 2011-2012, contre les fraudes aux élections législatives et à la présidentielle. Epoque joyeuse durant laquelle des centaines de milliers de personnes ont cru à un changement possible et communié sur les places des grandes villes.
Las, le changement n’est pas venu. Seuls les plus motivés ont poursuivi le combat, souvent dans le sillage d’Alexeï Navalny, l’étoile montante de ce mouvement de 2011-2012. Quand l’opposant a été empoisonné, en août 2020, puis emprisonné, six mois plus tard, à Moscou, Ioulia et son mari, Vladislav, 47 ans, sont restés chez eux, dégoûtés, certes, mais pas assez pour affronter la machine policière et judiciaire. « Je ne suis pas une fille des barricades », résume dans un sourire la jeune femme aux cheveux courts soigneusement coupés.
Derrière eux, une « vie confortable »
De fait, le couple a choisi un autre chemin, ce que Ioulia appelle « une vie confortable » : bel appartement dans une banlieue résidentielle, voiture allemande, voyages à l’étranger, bouteilles de vin dégustées avec les amis… et l’aboutissement d’une vie, cette société de conseil juridique que Ioulia et Vladislav ont montée ensemble. Tout ne leur convenait pas, y compris dans leur domaine d’activité – « Même en droit fiscal ou des affaires, il n’y a pas d’Etat de droit, que des juges serviles », tranche Ioulia –, mais pour le reste, le choix était rationnel : « Si tu ne disais rien publiquement, objectivement la vie était très supportable, agréable, même. » N
Elle ne l’est plus. Un certain 24 février à l’aube, quand leur président a annoncé le lancement d’une « opération militaire spéciale » contre le voisin ukrainien, ce monde s’est écroulé. Ce sont d’abord les tripes qui ont parlé : « J’ai ressenti immédiatement, physiquement, l’horreur et l’absurde… C’est devenu impossible pour moi de respirer dans ce pays. »
Au fil des jours et des larmes versées sur les villes ukrainiennes, d’autres questions se sont ajoutées au choc, tout aussi angoissantes : et si Vladislav, formé dans un institut militaire, était mobilisé par l’armée ? Et si le confort patiemment construit s’écroulait ? Et si nous n’étions plus en sécurité ? « Même si la guerre s’arrêtait demain, pense Ioulia, ce pays est perdu pour des années, peut-être des décennies. La dégringolade économique, on la sent déjà, et elle ne peut que s’intensifier. La répression aussi, une simple pancarte “pour la paix” conduit en prison. »
Des « traîtres » aux yeux de Vladimir Poutine
Ioulia et Vladislav ont fait leur choix, celui du départ. A 40 ans passés, sans diplôme à faire valoir à l’étranger, avec un niveau d’anglais limité, sans personne qui les attende… « Ce n’est pas une émigration, c’est une fuite », reconnaît Ioulia. Tant pis pour leur amour de la langue russe et de l’hiver à Moscou. Tant pis pour les amis, qui sont d’ailleurs nombreux à avoir fait le même choix. Les plans sont encore flous : ce sera un pays francophone ou anglophone, et un départ de zéro. A moins que Ioulia veuille à dessein rester vague, elle qui demande que l’on masque son nom de famille.
La fuite des Russes est moins dramatique et massive que celle des Ukrainiens s’échappant devant les blindés de « l’opération militaire spéciale » russe, mais elle n’en est pas moins remarquable. Les chiffres sont difficiles à estimer, mais rien qu’à Tbilissi, capitale de la Géorgie, les autorités locales avaient relevé début mars l’arrivée de 25 000 Russes. En Arménie, les estimations du gouvernement atteignent 80 000. Cette saignée concerne avant tout la très embryonnaire classe moyenne russe – artistes, scientifiques, journalistes, informaticiens, entrepreneurs, juristes… –, et elle en dit long sur la façon dont celle-ci voit le futur de la Russie.
« Avec ma femme, nous avons fait le compte, dans notre appartement, de ce qui est produit en Russie. Bilan : un presse-ail et un tabouret. Les prix vont exploser, même ceux des produits chinois. La crise va être terrible… » Un avocat
Helsinki en Finlande, Erevan en Arménie, Istanbul en Turquie, Tachkent en Ouzbékistan ou même Oulan-Bator en Mongolie, la destination importe peu, tant sont forts le sentiment d’urgence, la crainte que les dernières liaisons aériennes ferment, que le rideau de fer soit à nouveau abaissé, comme du temps de la guerre froide. Déjà, le 17 mars, le porte-parole du Kremlin qualifiait « ceux qui partent » de « traîtres ».
Chaque jour, la liste des nouvelles entreprises occidentales quittant le pays ou les rumeurs renouvelées de l’imposition de la loi martiale achèvent de convaincre les hésitants. À Moscou, Saint-Pétersbourg et dans les grandes capitales régionales, beaucoup de conversations commencent par : « Tu es encore là ? » On se compte et, selon les jours, on envie ou on plaint ceux qui ne sont plus là.
Une échappatoire vitale
Pour un grand nombre de Russes, la possibilité du départ a toujours été une donnée rassurante, comme un antidote à la catastrophe toujours possible, individuelle ou collective. Même au sein de l’élite loyale au pouvoir, la valise prête dans l’entrée (à laquelle se sont ajoutés, au fil du temps, compte bancaire et appartement à l’étranger) a toujours fait office d’échappatoire vitale, de garantie de sécurité. Le basculement du 24 février a remis en question la facilité d’un départ.
Il y a d’abord eu la fermeture de l’espace aérien européen, puis une question : et si la Russie revenait à la pratique en vigueur en Union soviétique, frontières fermées et visas de sortie délivrés au compte-gouttes ? Pour ceux qui n’avaient pas les moyens de fuir, ne restait, au mieux, que l’« exil intérieur » : une forme de retrait du monde, souvent accompagné d’une plongée dans l’alcool et du mince espoir de se faire oublier de la police politique.
« Avec ma femme, nous avons fait le compte, dans notre appartement, de ce qui est produit en Russie, raconte un avocat, qui habite dans une ville de Sibérie. Bilan : un presse-ail et un tabouret. Les prix vont exploser, même ceux des produits chinois. La crise va être terrible… » Cet avocat fait partie des malchanceux : comme les deux tiers des Russes qui n’ont jamais quitté le pays, lui n’a pas de passeport international à jour (les Russes possèdent obligatoirement un passeport intérieur, mais le passeport pour l’étranger est facultatif). En temps normal, la procédure prend un mois, et ensuite il faut chercher un visa. L’homme s’inquiète : « Autour de moi, 90 % des gens sont pour la guerre. Et moi je suis identifié comme antiguerre. Plus le temps va passer, plus la haine et la frustration vont monter. »
Une stratégie délibérée du pouvoir ?
Parmi ceux qui temporisent, volontairement cette fois, il y a aussi ce père de famille, informaticien de 51 ans. Avant d’emmener sa famille à l’étranger, Vladimir attend de voir les derniers signaux se matérialiser, à savoir « l’isolement russe de l’Internet mondial et le moment où tous ceux qui auront publié des posts contre la guerre seront envoyés dans des camps. » Si lui ne s’est pas pressé de partir, malgré sa conviction que la crise économique sera pire que celle, terrible, de 1998, c’est qu’il a la « chance » d’avoir deux filles, non mobilisables, donc. Pour le reste, Vladimir a déjà étudié les différents plans de sortie, même après une fermeture officielle des frontières, via le Kazakhstan ou l’Azerbaïdjan.
En 2019, l’étude « The Putin Exodus, The New Russian Brain Drain » (…) dressait le bilan de l’ère Poutine dans ce domaine : entre 1,6 et 2 millions de Russes qualifiés sont partis du pays, entre 2000 et 2018.
Les départs des trois dernières semaines viennent s’ajouter à ceux, déjà nombreux, des dernières années, qui avaient été freinés seulement par le Covid-19. L’émigration des travailleurs hautement qualifiés a été multipliée par cinq depuis 2012, selon une étude publiée par l’Académie des sciences, en avril 2021. Ce sont bien ces travailleurs qualifiés, ou « créatifs », que l’on peut nommer « classe moyenne », dans une Russie où un enseignant gagne à peine 150 euros (à peine plus de 100 euros, au nouveau cours du rouble post- « opération spéciale »).
En 2019, l’étude « The Putin Exodus, The New Russian Brain Drain » (L’exode sous Poutine, la nouvelle fuite des cerveaux russes), réalisée par le cercle de réflexion américain Atlantic Council, dressait le bilan de l’ère Poutine dans ce domaine : entre 1,6 et 2 millions de Russes qualifiés sont partis du pays, entre 2000 et 2018. Concernant les opposants, il s’agit même d’une stratégie délibérée du pouvoir. Plutôt que de donner de longues peines de prison aux journalistes, défenseurs des droits de l’homme ou détracteurs indésirables, police et justice se sont longtemps contentées d’un harcèlement de moyenne intensité, destiné à les faire partir. Beaucoup l’ont fait, avec une forte accélération au cours de l’année 2021. Dans le même temps, l’électorat de Vladimir Poutine se resserrait sur les retraités et les employés du secteur public.
En décembre, en recevant son prix Nobel de la paix, le rédacteur en chef du quotidien Novaïa Gazeta, Dmitri Mouratov, rappelait que l’année 2022 marquerait le centenaire du départ des « bateaux des philosophes » de Saint-Pétersbourg – des convois organisés par le pouvoir soviétique pour expulser des membres de l’élite intellectuelle, ceux pour lesquels « il manque un prétexte pour les fusiller », notait Trotski. Dmitri Mouratov établissait un lien avec l’exil des nouveaux dissidents. Au soir du 24 février, interrogé sur la chaîne de télévision en ligne Dojd peu avant sa fermeture définitive, le verdict du journaliste était plus sombre, plus radical : « Le futur est mort. »
Aider à la reconstruction
Ce jour-là, c’est précisément ce qu’a ressenti Solomon Shlosman. « J’étais en train de faire du snowboard à Sotchi quand les premiers missiles ont été envoyés vers l’Ukraine, raconte cet entrepreneur de 31 ans. J’ai compris tout de suite qu’on venait de changer de monde, qu’il n’y aurait pas de retour en arrière. » Rentré à Moscou en covoiturage, Solomon Shlosman a fait un dernier coup d’éclat : il a pris dans ses bras son fils Nathan, 1 an et demi, il est descendu dans le parc en bas de chez lui et il a exhibé sa pancarte « Poutine = guerre ».
Puis il a collé dans sa cage d’escalier de petits messages semblables. « J’avais besoin de faire ça pour quitter ce pays la conscience plus claire, confie-t-il par Skype, depuis l’appartement de Tel-Aviv, en Israël, où père et fils passent leur toute première nuit. C’est peu, mais je ne pouvais pas faire plus : j’ai été arrêté en 2021 dans une manifestation pro-Navalny. Une deuxième arrestation, ça veut dire la prison. »
« J’espère que je pourrai retourner en Russie, où j’ai abandonné tant de choses, mais je ne veux pas que mon fils y grandisse. Pas dans un pays où la police est là pour faire peur. » Solomon Shlossman
Pour Solomon Shlosman, le seul de nos témoins qui accepte de dévoiler son nom, le départ a été plus facile que pour d’autres. Dès octobre, il avait débuté les procédures pour obtenir un passeport israélien, à l’époque seulement pour faciliter ses voyages. Aujourd’hui, il y voit un autre avantage : « Après la guerre, je pourrai aider à la reconstruction de l’Ukraine. Les Ukrainiens ne laisseront pas rentrer les Russes… » Solomon est donc parti avec Nathan et la mère de l’enfant dès le 3 mars, via Istanbul, craignant lui aussi une arrestation ou une soudaine mobilisation générale.
Créateur d’une application à succès dans le domaine de l’éducation, il peut travailler aussi bien de Moscou que de Tel-Aviv, dit-il, enthousiasmé par l’accueil reçu en Israël, presque déjà absorbé par sa vie d’après. « J’espère que je pourrai retourner en Russie, où j’ai abandonné tant de choses, explique-t-il, mais je ne veux pas que mon fils y grandisse. Pas dans un pays où la police est là pour faire peur et où les impôts servent à financer la guerre contre un voisin qui ne nous a rien fait… »
Un constat pragmatique
Partir « le temps que les choses se tassent » ? Partir pour longtemps ? Pour toujours ? C’est l’interrogation la plus douloureuse, la plus indémêlable. Un cessez-le-feu en Ukraine ne ferait revenir que ceux qui craignaient, plus que tout, un appel sous les drapeaux. Andreï, 29 ans, aujourd’hui en Allemagne, a ressenti cette peur : « Même si je suis médecin, on m’enverrait peut-être combattre. C’est comme ça que la Russie fonctionne. »
Andreï fait partie de ces jeunes très qualifiés qui manqueront à la Russie. Médecin hématologue, il était aussi chercheur dans un laboratoire public en pointe dans les recherches sur le coronavirus. Lui avait déjà caressé des projets d’émigration, « parce que l’organisation du système de santé russe et son rapport aux patients me déplaisent », explique-t-il depuis la ville allemande où il a atterri. « Je me suis toujours tenu éloigné de la politique, mais aujourd’hui, la politique s’occupe de moi », précise-t-il avec une ironie amère, regrettant toutefois qu’on oublie que si la Russie est « l’agresseur », elle a aussi subi des « provocations », et écope actuellement de sanctions trop fortes, estime-t-il.
La politique, c’est donc cette « opération militaire spéciale » qui l’a poussé au départ dès le 4 mars, par un itinéraire compliqué, au gré des vols accessibles : Saint-Pétersbourg, Moscou, Istanbul, Athènes, l’Allemagne… Et ensuite la Pologne, peut-être les Etats-Unis. La plupart de ses amis sont dans le même cas : ceux qui n’avaient jamais songé à l’émigration sont partis ou sur le point de le faire. Andreï assure qu’il « n’idéalise pas l’Occident » et qu’il a besoin de vivre « dans un environnement russe », mais son choix est fait : « Quoi qu’il arrive, je vais tenter ma chance dans un pays occidental, là où j’arriverai à faire reconnaître mes diplômes. »
Sa décision est fondée à la fois sur le choc du 24 février et sur un constat pragmatique : « Quoi qu’il se passe sur le terrain militaire, la Russie va s’effondrer économiquement et intellectuellement. Dans mon secteur, on va constater très vite la pénurie de médicaments et de matériel médical de qualité. »
Quinze ans de prison pour des « fake news » sur l’armée
Maria a 48 ans et ne veut pas non plus donner son nom de famille. « J’ai peur, reconnaît-elle sans ambages, mais je dois parler, rappeler au monde que beaucoup de Russes se sentent pris en otage par un criminel, que dans ce combat du bien contre le mal, beaucoup d’entre eux ont choisi le bon camp. » Elle accepte de dire qu’elle est psychologue à Saint-Pétersbourg et que là-bas, comme Ioulia T. à Moscou, elle avait « une très bonne vie » – appartement décoré avec des meubles chinés, briques apparentes… « Dans les années 1990, quand les gens partaient par milliers, ça me paraissait inimaginable de quitter cette ville que j’aime, mes amis, mon travail », se souvient-elle.
Maria, psychologue à Saint-Pétersbourg, son mari, Konstantin, et leurs trois enfants ont roulé en voiture pendant sept jours avant de pouvoir gagner la Géorgie. DINA OGANOVA POUR M LE MAGAZINE DU MONDE
Nous l’avons eue au téléphone deux fois, à deux étapes d’un périple difficile. Elle et son mari, Konstantin, ont embarqué leurs trois enfants et le maximum d’affaires à bord de leur voiture, le 9 mars, et commencé à rouler vers le sud, direction la Géorgie. Le 11, la famille était tout près des frontières ukrainiennes, assez pour voir les obus déchirer la nuit. Konstantin a pris peur : et si les appareils d’écoute de l’armée interceptaient la conversation ? Deux jours plus tard, ils étaient proches du but, tout près de la frontière géorgienne, bloqués seulement par la neige tombée sur le col, réduits à patienter jusqu’au 16 mars, pour enfin entrer sur le territoire géorgien, soit sept jours de voyage.
« Pour le pouvoir, le départ des gens comme nous, qui exerçons une pensée critique, n’est pas une si mauvaise nouvelle. » Maria, psychologue
Ce qui a décidé Maria et Konstantin, c’est l’adoption, le 4 mars, d’une loi punissant jusqu’à quinze ans de prison les auteurs de « fake news » sur l’action de l’armée. « Ça peut concerner un post Facebook, assure-t-elle. Et pour l’exemple, ce sera appliqué à quelques personnes pour de simples posts. » Priorité : faire partir l’aîné. « Il est étudiant et donc non mobilisable, mais ça, c’est en théorie. Je sais de quoi est capable cet Etat… » Problème, son vol pour Bakou, en Azerbaïdjan, payé à prix d’or, a été annulé, et Stepan, 22 ans, s’est joint à l’équipée familiale.
Maria n’a jamais été très active politiquement, dit-elle. Lorsque l’opposant Boris Nemtsov a été assassiné à Moscou en 2015, elle a manifesté. Quand Alexeï Navalny a été emprisonné, elle est aussi sortie. Une seule fois, « parce que quand tu es en prison tu ne peux pas élever tes enfants ». Sa vraie ambition, c’est d’être utile avec son métier de psychologue, aider ses patients. Elle continuera d’exercer à distance. Depuis le 24 février, explique-t-elle, « les gens sont en état de choc ; le problème est qu’ils vont avoir de moins en moins d’argent à consacrer à leur santé ».
« Nos villes ne sont pas touchées, mais cette “opération militaire spéciale”, c’est aussi contre nous, les Russes, qu’elle est menée. » Maria, psychologue
Elle sait reconnaître la peur chez sa clientèle. Tout près de la frontière enneigée, elle n’a pas de mal non plus à identifier ses propres angoisses. D’abord, il y a le futur de ses enfants dans un pays, la Géorgie, où les perspectives économiques sont limitées et où les Russes ne peuvent pas utiliser leurs cartes bancaires, bloquées à l’étranger par la décision des entreprises Visa et Mastercard. Certains de ses compatriotes se sont aussi retrouvés en butte à l’hostilité des Géorgiens, qui ont eu à affronter une courte guerre avec la Russie en 2008. Ensuite, il y a l’avenir de son pays, où elle espère revenir, dans un an ou deux, peut-être plus : « Même si la guerre se termine, ce pays ruiné sera tenu par une armée de policiers. Pour le pouvoir, le départ des gens comme nous, qui exerçons une pensée critique, n’est pas une si mauvaise nouvelle. »
Surtout, sa principale préoccupation est d’être comprise de ses concitoyens et du reste du monde. « Que des gens puissent croire que nous fuyons simplement les sanctions économiques me fait terriblement mal. C’est un déchirement, de partir vers l’inconnu, de devenir des réfugiés sur les routes de l’exode. Et ce n’est pas parce que McDonald’s et Instagram ont quitté le pays que nous nous résolvons à cela. Nos villes ne sont pas touchées, mais cette “opération militaire spéciale”, c’est aussi contre nous, les Russes, qu’elle est menée. »
Benoît Vitkine Moscou, correspondant