Une exposition de photographies de Gilles Walusinski et un débat autour de notre livre « À la rue », interdits par le maire de Saint-Georges-de-Didonne (17). Une censure politique aux relents romaphobes.
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Publié par la maison d’édition indépendante L’Ire des Marges, notre livre À la rue, revient en textes et en images sur l’errance dans la ville de Montreuil (Seine-saint-Denis) de familles rroms expulsées de leur habitation en 2016. La mise à la rue d’une cinquantaine d’hommes, de femmes et d’enfants avait indigné des habitants et des habitantes de la commune et d’autres sympathisant·es réuni·es en collectif, auquel nous avions participé.
Un premier texte est une réflexion littéraire sur l’engagement, les difficultés du militantisme mais aussi ses bonheurs, il questionne la stratégie du découragement pratiquée par les différents pouvoirs pour anéantir nos luttes. Une troisième partie est constituée d’extraits d’articles de nos blogs hébergés par Médiapart (2016 – 2018), c’est la chronique d’une errance sans abri de deux ans. L’image de couverture et, au centre du livre, un cahier de 31 photographies de Gilles Walusinski, fixent la mémoire de ce qui a eu lieu à Montreuil pendant ces longs mois où des enfants ont vécu à la rue.
À l’invitation de la section royannaise de la Ligue des Droits de l’Homme (LDH), une exposition des photographies du livre, mais en couleurs, était prévue début janvier 2024, au Relais de la côte de beauté, à Saint-Georges-de-Didonne (Charentes-Maritimes) dans une belle salle municipale donnant sur l’estuaire de la Gironde. Nous devions aussi présenter notre livre lors d’une rencontre à la médiathèque. Tout était organisé, les dates fixées. Nous n’imaginions pas que l’exposition comme la présentation du livre feraient l’objet d’un veto ferme et définitif du maire de la ville, François Richaud (sans étiquette). Ce « refus à l’unanimité » du conseil municipal, reposerait sur une appréciation du maire pour qui le sujet de l’exposition et du livre, soit des familles Rroms sans abri, serait trop sensible politiquement pour ses administré·es!
Les Saint-Georgais et les Saint-Georgaises apprécieront, ou non, que le maire décide à leur place des expositions qu’il convient de leur présenter pour ne pas heurter leur sensibilité et leur intelligence.
Quant à nous, nous voyons dans ce veto opposé à notre travail d’autrice et de photographe, une pure et simple censure politique. Parce qu’elles sont pauvres, parce qu’elles sont rroms, les familles sans abri sont interdites de séjour sur la commune de Saint-Georges-de-Didonne ne serait-ce qu’en photographies ! Les discussions autour de notre livre n’auront pas lieu à la médiathèque de Saint-Georges-de-Didonne puisque À la rue n’en franchira pas les portes.
À l’heure où l’action culturelle est de plus en plus dépendante du bon vouloir des baronnies locales, une telle interdiction est le symptôme inquiétant d’une dérive de certain·es élu·es vers le contrôle politique de la liberté de création et d’expression, c’est une atteinte de plus à la démocratie.
Cette censure ne nous empêchera pas d’exposer les photographies dans cette belle région de Nouvelle-Aquitaine qui a accueilli la publication de notre livre.
Juliette Keating et Gilles Walusinski