Intense journée sur le plan émotionnel pour cette neigeuse journée de commémoration de la rafle du 10 janvier 44. Pour mémoire, 365 juifs, hommes, mais surtout femmes et enfants, arrêtés dans toutes la région avaient été enfermés dans la synagogue de Bordeaux avant, deux jours plus tard, d’être emportés vers Auschwitz via Drancy. Boris Cyrulnik, le neuropsychiatre devenu le célèbre inventeur de la résilience, un enfant de 6 ans à l’époque fut le seul “rescapé” de la synagogue, sauvé par une infirmière qui l’a caché sous sa grande houppelande et soustrait ainsi aux gardes du lieu saint.
Boris Cyrulnik était l’invité d’honneur de cette journée qui lui permit notamment de rencontrer des collégiens de deux établissements bordelais qui purent vivre un cours d’histoire incarné, des jeunes que l’ont a retrouvé en fin de matinée autour du neuropsy, au 60 rue de la Rousselle. C’est là que furent celées deux pavés de la mémoire, sur le trottoir devant la maison où vécurent Aaron et Nadia, les parents de Boris Cyrulnik, déportés en 43 et assassinés par les nazis à Auschwitz.
« Il n’y a pas une seule culture sans rituel du deuil, dit alors le neuropsychiatre. Moi, j’étais obligé d’ignorer la mort des mes parents, je ne sais pas où et comment ils sont morts. C’est source de honte et de culpabilité. Grâce à Bordeaux, et vous qui participez au deuil et à l’enterrement de mes parents, c’est la reconnaissance qu’ils ont été vivants. Ils sont là, ils ont vécu là, pour moi c’est un sentiment de gratitude immense. »
La journée mémorielle s’est poursuivie à la synagogue de Bordeaux où s’enchaînèrent les interventions à la suite de Boris Cyrulnik, autorités juives, préfet, président des collectivités régionales et départementales, mairie de Bordeaux, tous alertant sur les risques de retour des temps noirs…La longue liste des raflés du 10 janvier 44 fut énoncé à plusieurs voix alors qu’un chœur clôturait la cérémonie en chantant le kaddish, la prière des fins de funérailles.
Et pour clore sur un incontournable éclairage juridico-historique, Jean-Marie Matisson l’un des 4 premiers porteurs de plainte contre Maurice Papon, les autres sont décédés (1), fit une conférence sur l’affaire et le procès Papon dont il fut tout autant un acteur qu’un témoin privilégié. Il est l’auteur entre autres d’une somme intitulée “Procès Papon. Quand la République juge Vichy” aux éditions La Lauze (2020)
Jean-François Meekel
1: l’auteur de ces lignes qui “couvrit” et l’affaire et le procès Papon pour le média télévisuel régional, France 3 Aquitaine vient de publier un recueil de portraits et de témoignages de 7 des principales parties civiles du procès aux éditions Les dossiers d’Aquitaine et intitulé Procès Papon Témoignages des parties civiles La réception d’une souffrance