D’ici à 2050, la population urbaine des pays du Maghreb est appelée à croître pour atteindre 77 % de la population totale. Du fait du réchauffement climatique, de 4,5 à 9 millions de migrants internes sont attendus dans les grandes villes.
Par Richard Hiault
Publié le 14 sept. 2021 à 11:05Mis à jour le 14 sept. 2021 à 17:06
Tunis. Mi-août. Le thermomètre affiche 48 degrés. Le précédent record (46,8°) de 1982 est battu. Si le nord et l’ouest de la France grelottent sous une goutte froide, tous les pays d’Afrique du Nord suffoquent sous un dôme de chaleur. Les habitants des grandes villes du Maghreb vont devoir s’acclimater à ces températures excessives. Ils vont être de plus en plus. Car ces mégapoles sont appelées à voir leur population s’accroître du fait du réchauffement climatique.
C’est du moins ce que prévoit la Banque mondiale dans un rapport publié lundi. Centrée sur les migrations internes des pays, l’étude révèle que les effets du changement climatique (sécheresse, élévation du niveau de la mer) pourraient entraîner la migration de plus de 216 millions de personnes dans leur propre pays d’ici le milieu du siècle, soit 3 % de la population des régions concernées (Asie de l’Est et Pacifique, Asie du Sud, Europe de l’Est et Asie centrale, Afrique du Nord, Afrique subsaharienne et Amérique latine).
▶️216 million◀️
Climate change could drive 216 million people to migrate within their own countries by 2050. https://t.co/MVNUY5ewow #Groundswell pic.twitter.com/FJ9HAw4Edf
— World Bank (@WorldBank) September 13, 2021
L’étude souligne que le réchauffement climatique est déjà à l’oeuvre dans les pays du Maghreb. Les précipitations moyennes durant les mois d’octobre à mars ont régressé ces dix dernières années, en particulier au nord du Maroc, en Algérie et en Libye. La raréfaction des pluies devrait se poursuivre avec une baisse attendue de 10 % à 20 % d’ici à 2050. Les températures, elles, pourraient grimper jusqu’à 7 degrés l’été et 4 degrés l’hiver.
Urbanisation côtière croissante
Pour la Banque, les pays d’Afrique du Nord pourraient enregistrer le plus grand nombre de migrants internes par rapport à leur population totale. Cette dernière est appelée à passer de 195 millions de personnes à 213 millions en 2050. Selon les trois scénarios climatiques envisagés, de 4,5 millions de personnes (2,1 % de la population totale), dans le meilleur des cas, à 13 millions (6 %), dans le pire des cas, seraient appelées à quitter leur région de leur pays d’ici à 2050.
Le nombre de migrants internes au Maghreb selon les trois scénarios de la Banque mondialeBanque mondiale
De ce fait, l’urbanisation devrait aller croissant. Car ces migrants climatiques vont renforcer un phénomène déjà à l’oeuvre : la population rurale du Maghreb se réduit. D’ici une trentaine d’années, la part de la population urbaine dans la population totale devrait donc atteindre les 77 %.
Ce sont surtout les villes côtières du nord des pays qui seront privilégiées comme Alger, Tunis, Tripoli et Rabat. La disponibilité de l’eau y est meilleure que dans les autres régions et les rendements agricoles plus élevés. Les modèles suggèrent que « les rendements agricoles baisseront de 30% à 50 % dans le nord-ouest et l’ouest du Maghreb ».
L’exception du Caire
Le Caire fait figure d’exception, n’étant pas au bord de la Méditerranée. La capitale égyptienne devrait bénéficier de l’arrivée des habitants quittant le delta du Nil ou les régions d’irrigations qui seront affectées par la sécheresse. Globalement, c’est la côte Méditerranéenne qui devrait être privilégiée. L’érosion du littoral y serait moindre puisque la montée du niveau de la mer serait inférieure à la moyenne. Fausse idée : la Banque avertit qu’avec un réchauffement de 4 °C, des villes comme Tunis pourraient encore connaître une élévation du niveau de la mer de près de 60 centimètres d’ici à la fin du siècle. Soit peu ou prou la même amplitude prévue à Tanger sur la côte atlantique.
Pour la Banque mondiale, 80 % de ces migrations pourraient être évitées si des mesures étaient prises rapidement pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Pour la Banque mondiale, 80 % de ces migrations pourraient être évitées si des mesures étaient prises rapidement pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Les pays africains doivent mettre la lutte contre le changement climatique au coeur de leurs efforts de redémarrage post-pandémie, notamment en développant les énergies renouvelables pour alimenter leur développement futur, souligne un autre rapport publié ce mardi par trois ONG du continent, Power Shift Africa (Kenya), Society for Planet and prosperity (Nigeria) et Positive Agenda Advisory (Maroc). L’étude prône notamment des investissements en matière d’irrigation, de stockage ou de techniques de culture et souligne les importants retours économiques et sociaux.
Richard Hiault