Le diplomate avait été rappelé en réaction à des propos d’Emmanuel Macron affirmant que l’Algérie s’était construite sur « une rente mémorielle » entretenue par « le système politico-militaire ».
Après trois mois d’absence, l’ambassadeur d’Algérie reprendra ses fonctions à Paris jeudi 6 janvier, un geste qui devrait mettre un terme, selon les experts, à une grave crise diplomatique avec la France à la veille du 60e anniversaire de la fin de la guerre d’Algérie (1954-1962). Le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, « a reçu mercredi l’ambassadeur d’Algérie en France, Mohamed Antar-Daoud, qui reprendra ses fonctions à Paris ce jeudi 6 janvier 2022 », a indiqué la présidence dans un communiqué.
Alger avait rappelé son ambassadeur le 2 octobre en réaction à des propos, relayés par Le Monde, du président français, Emmanuel Macron, qui affirmait que l’Algérie, après son indépendance en 1962, s’était construite sur « une rente mémorielle » entretenue par « le système politico-militaire ». Devant des jeunes dont des descendants de harkis, de colons et de militants de l’indépendance algérienne, M. Macron avait aussi questionné l’existence d’une nation algérienne avant la colonisation française à partir de 1830.
Alger avait, dans un autre signe de protestation, interdit le survol de son territoire aux avions militaires français desservant le Sahel, où sont déployées les troupes de l’opération antidjihadiste « Barkhane ». Début novembre, M. Tebboune avait prévenu qu’il ne ferait pas « le premier pas » pour apaiser les tensions. Il avait estimé que M. Macron avait « rouvert un vieux conflit de manière totalement inutile », assurant que le président français avait « insulté » les Algériens.
Turbulences
Le 9 novembre, M. Macron avait fait savoir, via un conseiller, qu’il « regrettait les polémiques et les malentendus » avec l’Algérie, et assurait avoir « le plus grand respect pour la nation algérienne » et « son histoire ». Le chef de la diplomatie algérienne, Ramtane Lamamra, avait salué ces déclarations « manifestant du respect » envers son pays et s’était rendu à Paris pour assister à la conférence sur la Libye, le 12 novembre.
Début décembre, le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, avait effectué une visite en Algérie afin de désamorcer cette crise d’une rare gravité. Pendant sa visite, il avait appelé à une « relation apaisée » afin que les deux pays « puissent regarder vers l’avenir ». Toutefois, aucun accord n’avait été conclu pour, par exemple, une reprise du survol de l’espace aérien algérien.
Les relations entre Paris et Alger ont souvent connu des turbulences. La dernière crise aussi grave que celle d’octobre datait du 23 février 2005, quand le Parlement français avait adopté une loi reconnaissant un « rôle positif de la colonisation ».
Rétropédalage
Selon Hasni Abidi, directeur du Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen (Cermam, à Genève), « le rétropédalage de M. Macron » puis la visite de M. Le Drian ont été « bien reçus à Alger et interprétés comme un geste de bonne volonté des autorités françaises ». Avec le retour de l’ambassadeur algérien à Paris, « la crise est derrière nous », puisqu’il y a « une volonté de la part d’Alger mais surtout de Paris, à la veille du 60e anniversaire des accords d’Evian [signés en mars 1962], de dépasser leurs divergences et de construire une nouvelle relation basée sur le respect », estime M. Abidi.
Mansour Kedidir, politologue et historien, juge également que « c’est le début de l’apaisement ». Les deux pays « ont compris qu’il y va de leur intérêt de dépasser les égarements discursifs et d’amorcer un dialogue responsable », dit-il, soulignant « les défis géopolitiques et les menaces sécuritaires qui se posent dans la région ». Il fait notamment allusion à la guerre contre les djihadistes au Mali et à des menaces de reprise des combats en Libye après le report d’une élection présidentielle cruciale.
A propos d’une reprise du survol de l’espace aérien algérien par les avions français, M. Abidi estime que ce sera progressif et qu’il pourrait y avoir d’abord « une ouverture partielle », en commençant par des vols de transport médical. « Alger veut procéder comme à l’accoutumée, plutôt par une désescalade et un réchauffement des relations par étapes », souligne-t-il.
Le Monde avec AFP