La Commission européenne s’émeut du fait que la norme HVE offre le même niveau de rémunération que le bio, alors que son cahier des charges est nettement moins contraignant.
Mettre sur un pied d’égalité le label bio et la certification haute valeur environnementale (HVE). C’est la proposition faite par le gouvernement pour répartir les subventions européennes censées améliorer les pratiques environnementales de l’agriculture française et, partant, accéder aux écorégimes dans le cadre de la future politique agricole commune (PAC) sur la période 2023-2027.
Elle a été vertement critiquée par Bruxelles, qui a demandé à la France de revoir sa copie – en l’occurrence le plan stratégique national (PSN), déclinaison de la PAC à l’échelle de l’Hexagone. Dans sa réponse à l’envoi du PSN, fin mars, la Commission notait « avec préoccupation » que le label HVE offrirait un même niveau de rémunération que l’agriculture bio, « alors que [son] cahier des charges est beaucoup moins contraignant ». Elle ajoutait : « Dans ce contexte, il est demandé à la France soit de reporter l’inclusion des options d’accès à l’écorégime par la certification HVE (…) soit de suspendre ces options dans le PSN. »
Les tenants de l’agriculture bio sont également montés au créneau pour dénoncer ce choix controversé, dès sa présentation, il y a un an. Le ministère de l’agriculture avait alors indiqué son intention de réviser les conditions d’accès au HVE pour renforcer sa crédibilité. La prise de position de Bruxelles et un calendrier qui se resserre semblent accentuer la pression. Une réunion en plénière de la Commission nationale de la certification environnementale chargée de discuter du sujet s’est tenue, mercredi 8 juin.
Amender le référentiel
« La certification HVE a été créée par l’Etat dans le cadre du Grenelle de l’environnement, en 2007, mais elle est restée lettre morte pendant longtemps », raconte Jean-Jacques Jarjanette, président de l’Association HVE, qui ajoute : « Dans le cadre des vignerons indépendants, nous avons exhumé cette démarche, qui a commencé à prospérer dans la filière viticole. A l’époque, 40 % des adhérents étaient en bio. On a voulu avoir une certification pour ceux qui n’iraient jamais vers le bio. » Etape-clé, en 2015, le ministère de l’agriculture définit le logo.
Mais c’est depuis quatre ans environ, alors que les discussions sur la future PAC, censée être plus « verte », s’engageaient, que cette certification est mise en avant, avec, comme chef de file, le syndicat FNSEA. L’association HVE a d’ailleurs vu le jour à cette époque. « La FNSEA a estimé que cette certification était facile d’accès et pouvait être obtenue sans vraiment changer les pratiques », souligne Cécile Claveirole, membre de France Nature Environnement. A la suite de cette impulsion, 19 200 exploitations possédaient le label HVE au 1er juillet 2021, selon le dernier pointage du ministère de l’agriculture.
Aujourd’hui, deux voies sont définies pour décrocher le sésame. La voie B tient compte des infrastructures agroécologiques sur l’exploitation et fixe un ratio prix des intrants (engrais et pesticides) sur chiffre d’affaires qui doit être inférieur à 30 %. Cette voie, très critiquée – plus les vignobles étaient prestigieux, plus il leur était facile d’atteindre ce ratio, par exemple –, devrait être abandonnée. La seconde voie, dite A, s’appuie sur une batterie d’indicateurs répartis en quatre thématiques : les phytosanitaires, la biodiversité, la gestion de l’eau et la fertilisation.
Les discussions sont donc en cours pour amender ce référentiel. Les ONG demandent entre autres l’interdiction de l’usage des pesticides dits CMR, classés dans les substances chimiques cancérogènes. Le gouvernement avait mandaté l’Office français de la biodiversité pour étudier l’impact environnemental de la HVE et guider ainsi la réflexion. Sauf que le résultat de l’étude n’a toujours pas été publié et n’est pas attendu avant la fin du mois de juin.
Autre point délicat : cette certification comprend trois niveaux. Normalement, seul le niveau 3 donne accès au logo HVE. Mais dans la loi Egalim2, adoptée en 2021, il a été établi que les produits provenant d’une exploitation ayant atteint le niveau 2 pouvaient entrer dans la catégorie des produits certifiés bio, label rouge ou HVE, dont la part doit atteindre 50 % dans les commandes des cantines et de la restauration collective publique. « Nous avons validé la certification niveau 2 d’un élevage de veaux en batterie où les animaux ne voient pas de pâturage. Il n’y a pas d’exigence environnementale », témoigne Mme Claveirole.
« Deux segments distincts »
Aux yeux des consommateurs, cette dénomination de haute valeur environnementale peut donc être trompeuse. Car elle ne signifie pas que l’agriculteur a cessé d’utiliser des pesticides et des engrais de synthèse, mais plutôt qu’il a installé une ruche, un nichoir à chauve-souris ou planté une haie. « La HVE est la certification de l’agriculture conventionnelle. Personne ne vise le grand soir. Elle n’a pas du tout la même ambition que le bio. Ce sont deux segments distincts », affirme M. Jarjanette.
Si donc, le bio et la HVE n’ont rien de comparable et que le label bio, par ses exigences, offre des garanties bien supérieures de respect et de protection de l’environnement, les agriculteurs qui ont choisi ce chemin plus « vert » mais aussi plus escarpé doivent être rémunérés pour leurs efforts.
Sous l’injonction de Bruxelles, le gouvernement semble prêt à amender le PSN et à verser une part plus valorisée de l’écorégime aux agriculteurs bio. « Le ministère va introduire une différence de rémunération et de reconnaissance entre le bio et la HVE. Le principe est acté. Mais il faut que ce soit substantiel. Nous ne nous contenterons pas de queues de cerise », conclut Philippe Camburet, président de la Fédération nationale d’agriculture biologique.
Laurence Girard