L’état, pas à une contradiction prés récompense d’une main ceux qu’il punit de l’autre, en l’occurrence les militants qui organisent l’accueil des migrants au passage des Alpes. Le récit de nos confrères de La Provence

Par Delphine Tanguy

Héros et en même temps… délinquants. C’est un paradoxe qui “semble surréaliste à bien des égards” mais la Commission nationale consultative des Droits de l’Homme (CNCDH) vient bien de décerner la mention spéciale du prix des Droits de l’Homme 2019 au réseau briançonnais d’aide aux réfugiés “Tous migrants”, ainsi qu’à l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé).

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La cérémonie qui s’est déroulée hier au ministère de la Justice, a honoré des personnes “qui par leur courage, leur dévouement au service de l’autre, oeuvrent dans des conditions parfois difficiles pour ériger les principes des droits de l’homme en une réalité”, a félicité pour sa part Nicole Belloubet, le garde des Sceaux. Elle a salué au passage “l’utopie nécessaire” des lauréats.

“Pressions”

“Tous migrants”, engagée depuis 2015 auprès des personnes traversant la frontière italienne, a salué “un acte politique fort” mais également contradictoire avec leur action, “criminalisée” par le gouvernement. “Le devoir de fraternité est récompensé d’un côté alors qu’il est bafoué, réprimé et criminalisé de l’autre, tout comme le sont le devoir d’assistance à personne en danger et, encore plus grave, les valeurs de la République française”, a dénoncé l’association. Ces derniers mois, les procès pour “aide à l’entrée” de personnes étrangères se sont multipliés. L’un des plus emblématiques, celui de Pierre Mumber, accusé notamment d’avoir offert du thé à quatre migrants à la frontière italienne, s’est soldé, fin novembre, par une relaxe à Gap. “Le fait que Nicole Belloubet vienne nous délivrer cette récompense en personne, c’est qu’elle a conscience que les droits de l’homme sont bafoués en France”, a jugé Stéphanie Besson, cofondatrice de “Tous migrants”.

L’association documente ainsi depuis des années la “zone de non-respect du droit à tous les niveaux” qu’est devenue la frontière alpine. Violences policières, refoulements illégaux des migrants, “pressions et intimidations” sur les personnes solidaires… “Il y a un réel non-sens et une forme de schizophrénie dans le fonctionnement de l’État français”, observe-t-elle. En 2018, ce sont 5 202 réfugiés qui ont été accueillis par le réseau, soutenu par la ville de Briançon, après avoir passé le col de l’Échelle ou Montgenèvre. En 2019, le flux s’est ralenti : seulement 1 757 migrants ont été reçus entre janvier et octobre.

Fin 2017, “La Provence” avait suivi le formidable élan de solidarité des habitants du Briançonnais en faveur des réfugiés. “Tous migrants”, qui les fédère, organise notamment des patrouilles dans la montagne, pour venir en aide aux exilés en détresse, souvent de nuit et dans la neige. L’association est désormais épaulée par une unité mobile de Médecins du monde.

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