Le vote solennel du projet de loi Asile et immigration a lieu au Sénat ce 14 novembre. L’écologiste Mélanie Vogel dénonce une « banalisation des idées d’extrême droite » chez les sénateurs.
Suppression de l’aide médicale d’État (AME), durcissement des conditions du regroupement familial, fin de l’automaticité du droit du sol à leur majorité pour les enfants nés en France de parents étrangers, expulsions facilitées… Le projet de loi Asile et immigration a pris une tournure encore plus droitière à l’issue de son examen par le Sénat entre le 6 et le 10 novembre. Alors qu’il doit être soumis à un vote solennel le 14 novembre avant son arrivée à l’Assemblée nationale le 11 décembre, la sénatrice écologiste Mélanie Vogel résume ainsi son sentiment vis-à-vis de ce texte : « L’enfer. »
Reporterre — Que retenez-vous de l’examen de ce projet de loi Asile et immigration ?
Mélanie Vogel — Je retiens d’abord la course à l’échalote de la droite qui, pour des raisons de politique interne, a multiplié les propositions outrancières. Je note également l’ambiguïté du gouvernement qui, à de nombreuses reprises lors des débats, a exprimé très faiblement sa position. Voilà la perversion du moment politique que nous vivons : la droite souhaite apparaître plus à droite que le gouvernement, afin de s’en différencier. De son côté, l’exécutif, pour s’assurer d’avoir la majorité sur ce texte, avait déjà initialement proposé un projet de loi très à droite. Quitte à, aujourd’hui, accepter d’obtenir un accord au prix de tout ce qui fonde le modèle français, notamment en supprimant l’AME. Un mot me vient : l’enfer.
Qualifieriez-vous ce texte d’extrême droite ?
Il reprend en tout cas des propositions portées depuis très longtemps par l’extrême droite, comme la suppression de l’AME ou le durcissement des conditions de regroupement familial. Autant de mesures, qui à la base étaient considérées comme en dehors du champ républicain, qui se retrouvent aujourd’hui portées par la droite, avec la complicité du gouvernement et d’une partie de la macronie. Cela a un impact sur le débat public : depuis plusieurs semaines, le débat autour des questions migratoires est absolument immonde.
« À la source de l’écologie politique, il y a la notion de solidarité entre les humains »
Au fond, la leçon politique de cette séquence est que la valeur cardinale de la droite, ou du moins de la droite sénatoriale, est devenue la haine de l’étranger. On le voit par exemple avec la suppression de l’AME : cela va mettre en danger la santé publique, mais la droite aura bien pu montrer qu’il ne faut pas aider les étrangers ! La situation est très inquiétante.
Quels amendements avez-vous tenté de passer avec le groupe écologiste ?
Nous souhaitions déjà porter une vision totalement différente de l’immigration, en ne la décrivant pas comme un problème que l’on doit régler, mais comme un phénomène humain, qui a toujours existé et qu’il faut gérer. Étant entendu qu’il y a deux manières d’appréhender les flux migratoires : d’une façon inhumaine, qui provoque de la souffrance, de la détresse, de la misère ; ou bien d’une façon humaine, qui provoque de l’intégration et de la solidarité — c’est cette vision-là que nous portons.
Nous voulions aussi dénoncer l’hypocrisie des sénateurs de droite et d’extrême droite : d’un côté, ils alimentent un discours de haine des étrangers, disent qu’il faut sortir de l’assistanat, etc., mais quand on leur propose par exemple de permettre aux demandeurs d’asile d’accéder au marché de l’emploi, ils refusent. C’est totalement incohérent.
Enfin, nous avons déposé des amendements pour réécrire le texte, mais aussi trouver des compromis là où c’était possible : régulariser le maximum de personnes sans-papiers, faciliter le regroupement familial… Malheureusement, le projet de loi, qui n’était déjà pas équilibré, s’est davantage durci à l’issue de son examen au Sénat.
Pourquoi est-il important, en tant qu’écologistes, de combattre la vision de l’immigration portée par ce texte ?
À la source de l’écologie politique, il y a la notion d’interdépendance et donc de solidarité entre les humains, mais aussi entre les humains et le vivant. L’écologie ne peut donc qu’être internationaliste et humaniste, sachant que les déplacés climatiques vont être de plus en plus nombreux. En tant qu’écologistes, il est important de se mobiliser dans ce moment de montée du racisme et de banalisation des idées d’extrême droite. Les écologistes ne sont pas uniquement là pour sauver la planète : nous voulons que les humains vivent bien sur cette planète et qu’ils aient un avenir fait de solidarité, de droits et de libertés.