Le 13 novembre, s’ouvre à Paris le procès du Dr Sosthène Munyemana. Accusé de « génocide, complicité de génocide et crimes contre l’humanité », durant le génocide de 1994 perpétré contre les Tutsi⸱es, qui a fait au moins 800 000 morts en trois mois, ce Rwandais de 68 ans a tout fait pour ne pas passer sous les fourches caudines de la justice. Attaqué par plusieurs ONG depuis 1995, il a fallu vingt-huit ans pour qu’il soit enfin présenté devant la Cour d’assises de Paris, une fois tous les recours épuisés.
La traque des génocidaires rwandais se trouve bien souvent confrontée à plusieurs écueils : la difficile localisation des tueurs, la lenteur de la justice et, in fine, l’âge des accusés. Comme le rappelait Alain Gauthier, président du Collectif des parties civiles du Rwanda, à Paris en septembre, « au rythme actuel, il faudra quarante ans pour aller au bout des procédures en cours. D’ici là, beaucoup seront morts ». Pour d’autres, la maladie empêche déjà la tenue de leur procès.
C’est le cas de Félicien Kabuga. Homme d’affaires rwandais richissime, il est soupçonné d’avoir été l’un des principaux financiers du génocide, notamment en ayant importé des centaines de milliers de machettes, distribuées à la population hutue et en étant l’actionnaire principal de la Radio télévision libre des mille collines (RTLM), outil de propagande qui, dès 1993, a appelé au massacre des Tutsi⸱es. Il aura fallu vingt-six ans de traque, entre Genève, Kinshasa, Nairobi et Paris, pour qu’il soit enfin interpellé, en 2020, à Asnières, en banlieue parisienne.
Depuis septembre 2022, il était poursuivi devant le Mécanisme de l’ONU chargé des derniers dossiers du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), à La Haye (Pays-Bas). Mais, à 87 ans, souffrant de démence d’origine cardiovasculaire, Félicien Kabuga a été jugé, en juin 2023, « inapte » à subir un procès.
La célèbre série documentaire consacrée à la traque des plus grands criminels de la planète, « World’s Most Wanted », disponible depuis 2020 sur la plateforme de streaming Netflix, revient sur cette poursuite qui a mobilisé le FBI et les polices du monde entier. Il y est également question, de manière fortuite, de l’arrestation d’un autre génocidaire présumé qui sera jugé à Paris (aucune date n’a encore été communiquée) : le médecin Eugène Rwamucyo. Il a été arrêté en 2010 en région parisienne, lors des obsèques d’un autre Rwandais, Jean-Bosco Barayagwiza, cofondateur de la RTLM. La police française surveillait la cérémonie pensant mettre la main sur Félicien Kabuga. C’est le journaliste et écrivain Jean-François Dupaquier qui raconte cet épisode. Il était présent sur place pour filmer cette opération et orienter les forces de l’ordre.
À (re)lire et à (re)voir :
« World’s Most Wanted : Félicien Kabuga, le financier du génocide rwandais », saison 1, épisode 2, 2020, disponible sur Netflix.
+ Maria Malagardis, Sur la piste des tueurs rwandais, Flammarion, 2012, 320 pages, 21 euros.
+ Thomas Zribi et Damien Roudeau, Rwanda, à la poursuite des génocidaires, Steinkis/Les Escales, 21 septembre 2023, 192 pages, 24 euros.
+ Jean-François Dupaquier, L’Agenda du génocide. Le témoignage de Richard Mugenzi ex-espion rwandais, Karthala, 2010, 372 pages, 29 euros.