Dans le discours de LR, les spécificités du conflit israélo-palestinien sont diluées dans un affrontement civilisationnel entre le terrorisme islamiste et le monde occidental. Devenues rares, les voix plus mesurées, encore marquées par l’héritage gaullien et chiraquien, se font discrètes.
26 octobre 2023 à 19h33
LeLe 12 octobre dernier, Dominique de Villepin délivrait une interview remarquée à France Inter. Tout en affirmant un « devoir d’humanité et de solidarité vis-à-vis d’Israël », frappé cinq jours auparavant par les attaques terroristes du Hamas, l’ancien ministre des affaires étrangères alertait sur le risque qu’une « riposte indiscriminée […] conduise à enflammer un peu plus la région, mais aussi le monde ». Dans la foulée, il dénonçait « l’amnésie qui a été la nôtre, l’oubli qui a consisté à imaginer que cette question de Gaza, cette question palestinienne, allait pouvoir s’effacer ».
À gauche, plusieurs voix ont salué ces propos, à l’instar de Cyrielle Chatelain, présidente du groupe écologiste à l’Assemblée nationale, qui y a perçu de la « hauteur », de la « justesse » et de la « responsabilité ». De nombreux Insoumis, pris dans la tourmente d’une polémique à propos de leur qualification des actes du Hamas, ont aussi vanté l’équilibre de sa position – bien que Dominique de Villepin ait parlé sans ambages de « terroristes ».
Parmi eux, le député Éric Coquerel s’est appuyé sur cette ancienne figure de la droite pour évoquer, dans nos colonnes, « l’enfer [de] la vie à Gaza ». Le même s’est réjoui que les adeptes d’une « grille d’analyse gaulliste » n’aient pas disparu. Une manière de souligner, en creux, à quel point ils sont absents, ou muets, au sein même du parti Les Républicains (LR), héritier en ligne directe d’un gaullisme dont l’originalité globale s’est dissoute depuis plusieurs décennies, mais dont l’empreinte sur la politique étrangère française est réputée plus durable.
Les expressions dominantes de LR, que ce soit dans l’espace médiatique, à l’Assemblée et sur le site du parti, dessinent de fait une ligne très différente que celle incarnée par Dominique de Villepin. Elle se traduit par l’expression d’une solidarité privilégiée avec Israël et par la dilution des spécificités du conflit israélo-palestinien dans un affrontement civilisationnel entre le terrorisme islamiste et le monde occidental.
Une telle orientation était nettement visible lors du débat consacré au Proche-Orient lundi 23 octobre, à l’Assemblée. L’oratrice pour LR, Michèle Tabarot, a dénoncé les « barbares terroristes islamistes du Hamas », qualifiés de « monstres fanatiques » pour leurs attaques du 7 octobre et jugés « responsables » du tir qui a touché l’hôpital Al-Ahli Arab de Gaza, alors que l’incertitude demeure entière sur ce point. Elle a surtout analysé leurs actes comme découlant d’un « djihad » ayant aussi frappé la France au « Bataclan » et à « Nice ».
Identifiant le sort de deux démocraties aux prises avec leurs ennemis islamistes, hors de toute contextualisation, la députée des Alpes-Maritimes a défendu la fin des « aides au développement » à la bande de Gaza, « ce qui n’empêche[rait] pas les aides humanitaires ». Le tout sans un mot pour la situation inique dans laquelle le peuple palestinien est entravé depuis des décennies. Le contraste était frappant avec l’orateur du MoDem Jean-Louis Bourlanges, par ailleurs président de la commission des affaires étrangères à l’Assemblée. Celui-ci a en effet mentionné le « lancinant problème [d’un] État dans les limbes » et pointé l’aveuglement de la politique coloniale de Benyamin Nétanyahou.
Un alignement sur la droite dure israélienne
C’en était trop pour son collègue Meyer Habib, rappelé à l’ordre en raison de ses tonitruantes protestations contre le discours de l’élu centriste. Député apparenté LR de la huitième circonscription des Français de l’étranger, qui inclut Israël, Meyer Habib est proche de son actuel premier ministre et de personnalités du Parti sioniste religieux, situé à l’extrême droite. En mai dernier, en plein débat sur une résolution « condamnant l’institutionnalisation d’un régime d’apartheid » par Israël, il assurait contre les faits que « les Arabes [s’y] épanouissent en citoyens libres ».
Or, il s’agit de la personnalité de LR la plus présente ces derniers temps sur les plateaux télé, où il défend la nécessité pour Israël de « nettoyer, au sens propre du terme, la bande de Gaza du Hamas ». Selon lui, l’écrasement de l’organisation islamiste se fera « pour le bien de la région et de l’Europe ». Il y lâche aussi ses coups contre la gauche et les Insoumis en particulier, n’hésitant pas à affirmer que « Jean-Luc Mélenchon est un antisémite ». En interne, Meyer Habib est un fervent soutien d’Éric Ciotti, patron de LR depuis décembre 2022, qui épouse largement son orientation.
Dès le 8 octobre, dans une lettre au chef de l’État, le député des Alpes-Maritimes estimait que les attaquants du Hamas étaient « les frères d’armes de ceux qui ont frappé la France au 13 novembre », ce qui devrait conduire à « agir sans trembler ». Mercredi, sur France Inter, il affirmait que la solution à deux États relevait du « catéchisme diplomatique français », du moins tant que le Hamas n’était pas entièrement « éradiqué ». Un catéchisme qu’il rejetait de facto en 2021, en plaidant pour la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël – alors que Paris défend le principe d’une capitale partagée.
L’Humanité, qui classait récemment Éric Ciotti dans sa galerie des « béni-Bibi [le surnom de Nétanyahou – ndlr] », relève que ces positions sont « en rupture avec deux figures dont il se revendique pourtant : Jacques Chirac, qui en son temps dénonçait la colonisation d’Israël, et Charles de Gaulle, qui en 1967 avait décrété un embargo sur les armes en direction de Tel-Aviv, quelques jours après la guerre des Six Jours ».
De manière générale, les voix faisant entendre une autre tonalité, plus équilibrée, sont fort discrètes. Michel Barnier, ancien ministre de Jacques Chirac, conseiller spécial du président de LR et chargé des affaires étrangères dans le contre-gouvernement du parti, s’est contenté d’un tweet personnel, auquel il préfère renvoyer Mediapart plutôt que d’ajouter des commentaires. Il s’y compte parmi « celles et ceux qui croient que l’instauration d’un État Palestinien doit demeurer l’objectif à atteindre,[et] qui demandent partout le respect et la protection des populations civiles ».
Les raisons d’une évolution
Comment ces réflexes-là ont-ils été oubliés ? Tout d’abord, relevons que comme dans d’autres partis, la question israélo-palestinienne ne faisait plus l’objet d’un réel travail de fond. Quand la droite était encore au pouvoir, les positions diplomatiques de l’exécutif, marquées par l’héritage gaulliste en dépit d’inflexions ultérieures, s’imposaient de facto à LR. Ce n’est plus le cas, si bien que le champ est laissé libre aux voix qui parlent le plus fort, et s’emparent de ce dossier sans devoir mettre leur discours à l’épreuve du terrain.
Ce faisant, ces personnalités construisent une position « par défaut », qui s’inscrit dans une vision du monde déjà formée, répondant avant tout à des objectifs électoraux nationaux. « Lorsque les dirigeants actuels de LR parlent d’Israël-Palestine, remarque le professeur de science politique Vincent Martigny, ils en font surtout un enjeu de politique intérieure. » En l’occurrence, poursuit-il, le conflit au Proche-Orient se retrouve « fondu dans une posture occidentaliste ». Celle-ci fait de l’islamisme « l’ennemi principal » d’un bloc civilisationnel dont Israël ferait partie avec les pays de l’Atlantique Nord.
À cet égard, la rupture sarkozyste ne doit pas être négligée. Encore une fois, ce constat vaut surtout sur le plan intérieur. Car en termes diplomatiques, nous rappelle l’historienne des relations internationales Eva Benhamou, le « rapprochement de la France avec Israël », destiné à corriger des relations très dégradées, a eu lieu dès 2002 et le second mandat Chirac, avec d’ailleurs l’implication cruciale de Dominique de Villepin.
« Dans un contexte post-11-Septembre, lorsque la seconde intifada au Proche-Orient s’est accompagnée d’un regain de haine antisémite en France, Paris a souhaité renouer un dialogue de qualité avec les deux parties, et pas seulement côté palestinien. Des coopérations concrètes ont été relancées, et cette politique n’a fait que s’accentuer, d’autant plus que l’Autorité palestinienne a ensuite été très affaiblie par la mort de Yasser Arafat et sa rivalité avec le Hamas », poursuit Eva Benhamou.
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Nicolas Sarkozy s’est inscrit dans ce tournant concrètement entamé avant lui, même si l’historienne admet, sur un plan plus symbolique, « un changement de ton et d’atmosphère à l’égard d’Israël ». Pour Vincent Martigny, cet aspect a été crucial en termes de politique intérieure : « L’arrivée de Sarkozy à la tête de l’UMP [ancien nom de LR – ndlr] en 2004, et de la France en 2007, a rencontré une droitisation de la communauté juive. »
« La communauté juive s’est [alors] droitisée par rapport à Israël et a en même temps ressenti un abandon de la gauche »,confirmait également le rabbin Émile Ackermann, cet été, à Libération. La droite post-gaulliste a dès lors pris un tournant durable, en raison de l’évolution doctrinale imprimée par Sarkozy et du fort soutien électoral dont elle s’est vue gratifiée par celles et ceux qui attendent une solidarité sans nuance avec le gouvernement israélien, quand bien même celui-ci est de droite extrême.
Entre-temps, les attentats terroristes subis en France de la part de groupes islamistes, dont certains spécifiquement antisémites, ont facilité le sentiment d’identification des dirigeants LR avec la droite israélienne actuellement au pouvoir, laquelle a justement enfourché le thème d’une guerre sans merci entre la civilisation et la barbarie. « Pour LR, l’islamisme est une sorte d’équivalent du nazisme », résume Vincent Martigny. « Le parti a adopté une posture défensive, en termes civilisationnels, qui ne le fait pas hésiter une seconde sur sa défense privilégiée d’Israël », confirme Émilien Houard-Vial.
Selon cette grille de lecture, en effet, le sort de la population civile de Gaza et la perspective d’une résolution politique du conflit israélo-palestinien pèsent en effet assez peu lorsqu’il s’agit de s’exprimer sur la riposte pilotée par Benyamin Nétanyahou.
Le monde va mal, mais le commentaire de Dominique Villepin du 12 octobre sur les événements israëlo-hamassiens ne me semblent pas de nature à jeter de l’huile sur le feu, contrairement, malheureusement, à ceux de Meyer Habib, Eric Ciotti et Michèle Tabarot . C’est effarent autant qu’effrayant, comme l’a été et le reste pour moi la monstrueuse accusation d’antisémitisme dont j’ai fait l’objet parce que je m’étais permis de corriger, en les contrecarrant complétement, des ‘erreurs’, qui autrement auraient été inéluctablement mortelles, commises par les neurologues du service de neurologie du Pr. Gérard Saïd à l’hôpital Bicêtre en 1990. Des erreurs qui parce que contrecarrées ont fini par donner lieu quelques années plus tard à la découverte du syndrome NDB12PP, une forme très fréquente mais jusqu’alors restée curieusement méconnue de l’anémie pernicieuse de Biemer, une affection qui se soigne de la même façon que cette dernière, ainsi que je l’ai tant bien que mal expliqué en rapportant les faits sur mon blog (le blog de leon) sur le Web depuis 2009. Cf.