La préfecture de police (PP) de Paris a pris un arrêté interdisant, à compter de ce mardi 10 octobre, les distributions alimentaires dans des zones précises et délimitées du 10e et 19e arrondissements où se concentrent généralement les migrants. Les associations dénoncent une “mesure de la honte”, visant à faire passer des “citoyens solidaires pour des criminels”.
“C’est un choc”, pour Utopia 56, une “honte”, pour Solidarité migrants Wilson. Ces deux associations qui viennent en aide aux migrants dans la capitale, s’indignent de la décision de la préfecture de police de Paris (PP), prise mardi 10 octobre. À compter de ce jour, la préfecture a interdit les distributions alimentaires jusqu’au 10 novembre 2023 dans deux secteurs délimités du 10e et 19e arrondissement de Paris. L’arrêté concerne neuf artères dans les quartiers populaires de Stalingrad et Jaurès, dans le nord de la capitale.
C’est dans ces zones, selon la préfecture, “que ces distributions alimentaires engendrent, par leur caractère récurrent, une augmentation de la population bénéficiaire de ces opérations et qu’elles contribuent, en corollaire, à stimuler la formation de campements dans le secteur du boulevard de la Villette, où se retrouvent des migrants, des personnes droguées et des sans-domicile fixe”, se justifie la police.
Les associations particulièrement touchées par cet arrêté sont Solidarité migrants Wilson, qui effectue des maraudes dans les zones concernées et La Chorba qui distribue des repas aux abords du métro Jaurès, presque tous les soirs de la semaine.
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Pour Philippe Caro, membre du collectif Solidarité migrants Wilson, s’attaquer à un besoin primaire comme la nourriture à l’encontre de personnes “n’ayant déjà plus rien”, c’est “abject”. “Voilà la politique d’accueil de la France : laisser des gens à la rue et les empêcher de boire et de manger”, s’offusque-t-il en dénonçant une décision qui ne règle rien. “La police ne peut pas interdire les distributions de nourriture dans tout Paris, juste dans certains secteurs bien précis. Donc on ira ailleurs, juste à proximité de ces secteurs. On déplace juste le problème”.
Amende de 135 euros
Selon le militant, l’approche des Jeux Olympiques et la crise récente à Lampedusa viennent expliquer le durcissement de la politique migratoire française. “Ils craignent une arrivée massive d’Italie. Quand le gouvernement hausse le ton, il ne s’attaque plus seulement aux migrants mais désormais aux citoyens solidaires. Ils criminalisent les bénévoles”. Et de poursuivre. “L’amende est de 135 euros si on se fait prendre en train de donner de la nourriture aux pauvres. Le gouvernement parle de ‘délit de solidarité’, mais ce que nous faisons c’est un ‘devoir de fraternité'”.
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La préfecture de police met aussi en avant l’aspect sécuritaire pour défendre son arrêté parlant d'”attroupements”, de “débordements sur la voirie”, de la présence de “toxicomanes” et de “troubles à l’ordre public”. Pourtant, il n’y a “jamais eu d’incidents sur nos sites de distribution”, conteste encore Philippe Caro.
Les interdictions vont priver entre “200 et 500 personnes” chaque jour de nourriture, déplore à son tour Océane Marache, coordinatrice parisienne chez Utopia 56, qui intervient auprès des exilés à la rue. “C’est d’autant plus violent que les associations sont déjà en manque de moyens et que les personnes sont harcelées quotidiennement. C’est le signe que la politique anti-sdf s’intensifie”.
Les associations prévoient de faire appel de la décision de la préfecture. À Calais, dans le nord de la France, des arrêtés similaires visant les distributions de nourriture sont pris régulièrement depuis 2020.