Les Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef), principal parti de l’opposition sénégalaise, a été dissous pour avoir « fréquemment appelé ses partisans à des mouvements insurrectionnels », selon un communiqué du ministère de l’Intérieur publié le 31 juillet. Cette annonce intervient à la suite de l’inculpation d’Ousmane Sonko pour appel à l’insurrection et atteinte à la sûreté de l’État. Durant les deux jours qui ont suivi, plusieurs manifestations sporadiques ont eu lieu à Dakar et à Ziguinchor. Deux maires affiliés au Pastef ont été arrêtés et inculpés également pour appel à l’insurrection.
Dans le bras de fer qui oppose l’État au Pastef, il semble évident qu’un nouveau seuil a été franchi, banalisant la répression dans un pays qui se vantait de ses acquis démocratiques. Depuis mars 2021, à chaque manifestation, il y a des tirs à balles réelles et des morts. Entre le 31 juillet et le 1er août, six personnes ont perdu la vie dans le contexte des manifestations, dont deux lorsqu’un bus a été attaqué au cocktail Molotov par des individus non identifiés.
La situation est exceptionnelle et l’heure est grave. Un parti politique, membre d’une coalition, qui a empêché pour la première fois le parti au pouvoir d’avoir une majorité parlementaire, a été dissous par une simple décision de l’exécutif. La loi le permet, archaïque qu’elle est. Pourtant, Ousmane Sonko et ses compagnons n’ont pas été condamnés pour appel à l’insurrection, l’instruction venant à peine de commencer. Mais cette décision montre que la messe est déjà dite. Le Pastef peut faire appel devant la justice mais le futur est incertain pour lui. Ainsi que pour la démocratie sénégalaise.
Il n’y a pas eu de dissolution d’un parti politique par l’autorité administrative depuis 1964. Le BMS/FNS de Cheikh Anta Diop en était alors la victime. En 1993, le mouvement religieux des Moustarchidines avait été dissous, mais cette décision ne fut jamais actée. Ainsi, l’impression que le pays multiplie de grands bonds en arrière démocratiques est de plus en plus vive parmi les citoyens.