L’ancienne porte-parole de LR vient d’être nommée préfète déléguée en Gironde, chargée de la cohésion sociale, de la lutte contre les discriminations et de l’intégration des étrangers. Deux semaines après les révoltes urbaines, Emmanuel Macron a choisi une figure de la droite la plus dure, qui dépeint les quartiers populaires comme des « zones de non-droit » où l’on vivrait « comme au Maghreb ».
15 juillet 2023 à 10h45
EnEn découvrant la nouvelle, cet acteur associatif des quartiers populaires a cru à une plaisanterie. L’information est pourtant bien parue, jeudi 13 juillet, au Journal officiel : Lydia Guirous, chroniqueuse audiovisuelle et ancienne porte-parole du parti Les Républicains (LR), a été nommée préfète déléguée à l’égalité des chances en Gironde, un poste créé quelques jours plus tôt par décret présidentiel.
Un point de chute inattendu pour celle dont la présence publique se résumait, depuis quatre ans, à des interventions sur CNews, BFMTV et Sud Radio. Après des débuts à l’UDI, elle avait été secrétaire nationale à la laïcité, puis porte-parole de LR, sous la présidence de Nicolas Sarkozy (2014-2015), avant de retrouver cette dernière fonction deux ans plus tard, à la demande de Laurent Wauquiez. Malgré trois tentatives, aux législatives de 2012, aux européennes de 2019 et aux municipales de 2020, elle n’a jamais été élue.
Lydia Guirous en 2015, alors porte-parole de LR. © Photo François Guillot / AFP
À droite, Lydia Guirous s’est fait un nom à la faveur de son obsession pour la laïcité et de sa critique récurrente de l’islam. Publié en 2014, son livre Allah est grand, la République aussi (JC Lattès) avait tapé dans l’œil de Nicolas Sarkozy, qui s’apprêtait à remettre la main sur l’UMP. Au sein de la direction du parti, elle a rencontré et côtoyé Gérald Darmanin qui, devenu ministre de l’intérieur, lui permet aujourd’hui d’intégrer la haute fonction publique.
La nomination de Lydia Guirous vient concrétiser un projet présidentiel annoncé dès le premier quinquennat : la suppression du corps préfectoral et l’ouverture à des profils issus de la société civile. L’ancienne cadre de LR n’est d’ailleurs pas seule dans cette grande valse du 14 Juillet. Marilyne Poulain, ancienne responsable des questions d’immigration à la CGT, est nommée préfète déléguée à l’égalité des chances du Bas-Rhin. Le chef d’entreprise Thibault Lanxade devient, lui, préfet de l’Indre.
Dans la grande querelle qui anime la classe politique et l’appareil d’État sur la laïcité, la désignation de Lydia Guirous résonne comme un signal. L’ancienne éditorialiste de CNews incarne à ce sujet la ligne la plus droitière ; celle-là même avec laquelle Emmanuel Macron avait semblé prendre quelques distances au début de son second quinquennat – en exfiltrant Jean-Michel Blanquer et Frédérique Vidal du gouvernement et en refusant d’investir aux élections législatives plusieurs figures du Printemps républicain –, avant de laisser libre court aux polémiques sur l’abaya et les prières enfantines.
Les banlieues et l’islam, deux de ses obsessions
Ces derniers mois, Lydia Guirous avait étonnamment changé de ton et de vocabulaire à l’égard du chef de l’État et de son gouvernement. « La Macronie devient une République de voyous », dénonçait-elle en 2018 au sujet des affaires touchant des proches d’Emmanuel Macron – c’était avant d’être elle-même épinglée par Le Canard enchaîné pour un juteux business familial, teinté de conflit d’intérêts.
En mars de la même année, sur France 24, elle qualifiait ce dernier de « président mondialiste et multiculturaliste » et lui reprochait « des rapports très ambigus avec les milieux islamistes ». Au printemps 2019, sur son compte Twitter – qu’elle a passé en mode privé dans la journée de vendredi –, elle qualifiait Emmanuel Macron de « pire DRH de France », quatre ans avant qu’il ne la nomme.
Cette sévérité appartient au passé, à écouter les éditoriaux politiques qu’elle assurait jusqu’à présent, chaque mardi, sur Sud Radio. Le 24 avril dernier, quand le présentateur de la matinale lui demande si le quinquennat est « déjà mort », elle répond, enthousiaste : « J’ai plutôt envie de dire : happy birthday, Monsieur le président ! » Avant de décrire un Emmanuel Macron qui « se retrousse les manches », « va au contact », est « plus déterminé que jamais » et demeure « maître dans l’art de se réinventer ».
En Gironde, où elle a vécu dans son enfance, Lydia Guirous sera chargée de représenter le gouvernement aux côtés du préfet, Étienne Guyot. Elle aura notamment pour interlocuteur quotidien le maire écologiste de Bordeaux, Pierre Hurmic, et sa majorité de gauche. L’occasion, sans doute, de lui livrer une de ses nombreuses analyses sur les « khmers verts », leur « écologie punitive » et leur « mépris social » de « bobos donneurs de leçons ».
Si le gouvernement a créé ce poste de préfet délégué dans la région pour l’occasion, les nouvelles prérogatives de l’ancienne porte-parole de LR ne sont pas moindres. Elle est désormais chargée de coordonner et de mettre en œuvre la politique du gouvernement en Gironde, sur tous les sujets de cohésion sociale, d’égalité des chances et de lutte contre les discriminations. L’arrêté ministériel de 2005, date de la création de la fonction par Nicolas Sarkozy, ajoute que le préfet délégué à l’égalité des chances travaille sur « l’intégration des populations immigrées ».
Ils veulent détruire ce pays qu’ils n’aiment pas. Il va falloir assimiler, refaire des Français. C’est l’heure du sursaut.
Lydia Guirous, après les révoltes des quartiers populaires
L’action de Lydia Guirous devrait s’appliquer pour l’essentiel dans la métropole bordelaise et sa vingtaine de quartiers prioritaires au titre de la politique de la ville (QPV). Des territoires dont elle a beaucoup parlé dans ses livres et ses interventions médiatiques… pour dire tout le mal qu’elle en pensait. En 2016, dans son livre #Je Suis Marianne (Grasset), elle voyait dans « la France des banlieues » une « France revancharde », qui « entend avoir le droit à tout et des responsabilités sur rien ».
Dans son ouvrage précédent, cité plus haut, elle est plus offensive encore : « Aimer la France et la République est devenu dangereux dans certains quartiers. » Plus loin, elle ajoute : « Dans les quartiers populaires, c’est le modèle du pays d’origine qui domine désormais », « l’organisation sociale est exactement celle qui existe au Maghreb » et le « mode de vie conforme aux exigences d’un islam radical ». Quant aux écoles, en tout cas à certaines d’entre elles, on y apprendrait « que l’ennemi, c’est le policier ».
Sur France 2, en 2016, elle évoquait également des « zones de non-droit » où « la police et les pompiers ne peuvent plus entrer ». Une assertion qu’elle confirme en 2021 après avoir vu le film BAC Nord. « Il fait polémique car il dépeint la réalité et sa violence, estime-t-elle alors, sur i24. La réalité, c’est qu’une grande partie des banlieues est gangrénée par les racailles et l’islamisme. »
Son compte Twitter regorge également de références péjoratives aux quartiers populaires. Pêle-mêle, elle y a évoqué ces dernières années « les plans banlieues où l’on déverse des milliards sans résultats », le « manque d’assimilation » dans certains quartiers « où plus rien ne ressemble à la France », les « no-go zones » où « les racailles harcèlent la police ».
14 juillet 2023
Fin juin, Lydia Guirous a vu dans les révoltes consécutives à la mort du jeune Nahel la confirmation de ses analyses passées. « C’est une forme de barbarie, a-t-elle estimé sur Sud Radio. La scission est là. Nous sommes au bord d’une rupture. Ce n’est absolument pas une colère, c’est de la délinquance, des homicides, des agressions. » Et la chroniqueuse de poursuivre : « Ils veulent détruire ce pays qu’ils n’aiment pas. Là est l’enjeu. Il va falloir assimiler, refaire des Français. C’est l’heure du sursaut. »
L’ancienne proche de Laurent Wauquiez, qui appelle régulièrement de ses vœux une intervention plus ferme de la police dans les quartiers populaires, va devoir réfréner ses ardeurs répressives. La sécurité ne relève pas de ses nouvelles compétences. Il s’agira plutôt, pour elle, de nouer des liens avec le tissu politique et associatif local, d’aiguiller les habitant·es des quartiers populaires vers les dispositifs gouvernementaux et de se montrer en soutien des publics les plus discriminés et les plus vulnérables. La « France revancharde » qu’elle appelait à arrêter de se « victimiser ».