Comment trouver ses repères et mener une existence normale dans une géographie et un quotidien aléatoires et arbitraires ? Comme si tout pouvait basculer d’un instant à l’autre sous l’action des colons ? Pour les Palestiniens, c’est la quadrature du cercle.
Si Gaza ressemble bien à une prison à ciel ouvert mais surveillée 24 heures sur 24 par des drones israéliens avec la frontière terrestre sans doute la mieux surveillée au monde et une frontière maritime infranchissable, en Cisjordanie, tout est fait pour qu’on ne sache jamais où l’on est.
Il y a les zones A, B, C interdites aux Israéliens, autorisées pour certains Palestiniens, pas pour d’autres, des zones exclusivement sous contrôle palestinien, d’autres sous contrôle mixte, avec des cartes d’identité différentes et des plaques d’immatriculation de différentes couleurs définissant les endroits où vous pouvez circuler et ceux où vous ne le pouvez pas. Ubu n’aurait pas fait mieux. L’ancien ministre de Yasser Arafat, Fareh Abo Medem témoigne : “Nous sommes des réfugiés dans notre propre pays dans lequel nous ne sommes pas libres de nos propres mouvements. J’ai mes filles qui habitent Ramallah et je ne peux même pas leur rendre visite. Nous avons le sentiment d’être dans une prison à ciel ouvert”.
Si les accords d’Oslo signés en 1993 devaient mettre un terme à l’extension des colonies, elles vont, bien au contraire sortir de terre à une vitesse phénoménale avec des colons de plus en plus radicaux et violents, galvanisés par l’actuel ministre israélien de la sécurité nationale Itamar Ben Gvir et de ses amis du parti d’extrême droite Otzma Yehudit comme Baruch Marzel ancien leader du Front National Juif.
Leur objectif ? Chasser les Palestiniens de chez eux. Même s’il faut dépenser pour cela des millions de dollars. Hanin Batlawi, une journaliste qui habite à Ramallah, raconte : “Il est très difficile de vivre ici parce qu’il faut toujours tout planifier et vérifier la situation sur la route. Parfois, c’est plus facile de rester ici et de ne rien faire”, elle ajoute : “Les jeunes gens de notre âge sont très déçus, ils ont perdu espoir. Ils veulent quitter la ville, mais nous restons pour la cause et nos proches, sinon tout le monde serait éparpillé et personne ne vivrait ici.”
Dans les camps de réfugiés, le désespoir règne. Chômage, misère et harcèlement militaire. Certains jeunes sans avenir se lancent dans la lutte armée tandis que l’identité Palestinienne se délite, se dilue pour devenir plus qu’imaginaire pour un peuple en passe de ne plus avoir de terre. La politique israélienne, elle, fonctionne.
Un documentaire d’Alain Lewkowicz, réalisé par Somany Na.
Avec :
- Haten Totah, notre chauffeur,
- Maral Quttieneh, notre fixeuse en Cisjordanie,
- Heba Charif, du centre culture franco-palestinien d’Hébron,
- Hefzy Abu Sneineh, le directeur de la mosquée Al-Ibrahimi du Tombeaux des patriarches,
- Adnan Husseini, membre de l’exécutif de l’OLP en charge des affaires de Jérusalem,
- Fareh Abo Medem, ancien ministre de la Justice de Yasser Arafat,
- Rushdi Sarraj, notre fixeur à Gaza,
- Raj Al Jaru, chanteur de rock à Gaza,
- Malak Darweesh, jeune étudiante et chanteuse de Gaza,
- Kadem Sarajouri, et Hanin Bachir, habitants du camp de réfugiés de Bethlehem,
- Hanin Batlawi, journaliste de Ramallah,
- Majdi Malki, professeur de sociologie à l’Université de Bir Zeit et chercheur à l’Institut des Etudes Palestiniennes de Ramallah
- Shadi Zaqtan, chanteur, auteur et compositeur.
L’Institut du monde arabe est partenaire de LSD dans le cadre de son évènement ” Ce que la Palestine apporte au monde “, jusqu’en novembre 2023.