Un nouveau naufrage d’un bateau de migrants au large de l’Italie a fait 62 victimes. Aux discours hypocrites des dirigeants européens, la gauche doit assumer un discours clair en faveur de l’accueil et de l’asile.
Pierre Jacquemain • 1 mars 2023
Article paru
dans l’hebdo N° 1747 Acheter ce numéro
Les drames se suivent et se ressemblent dans l’indifférence générale. 62 corps, dont celui d’un nourrisson de quelques mois, ont été retrouvés sans vie au large des côtes italiennes, le 26 février. Beaucoup d’entre eux venaient d’Afghanistan et d’Iran, fuyant la guerre et les persécutions. La misère aussi.
Giorgia Meloni, la cheffe du gouvernement italien, pourra toujours évoquer sa « profonde douleur » après ce terrible naufrage, elle porte une lourde responsabilité. L’extrême droite au pouvoir vient de voter de nouvelles règles qui obligent désormais les navires humanitaires à effectuer un seul sauvetage en mer à la fois, augmentant les risques de pertes humaines.
En France comme ailleurs en Europe, il n’y a pas un « problème migratoire », il n’y a qu’un problème d’accueil.
Les autorités européennes pourront toujours dénoncer la « tragédie », comme l’a fait Ursula von der Leyen, les politiques menées qui n’ont de cesse d’augmenter les budgets de défense et de fermeture des frontières – plutôt que de financer des conditions dignes et durables d’accueil des exilés – restent coupables de mise en danger de la vie d’autrui en déléguant la gestion des flux migratoires à des États peu soucieux des droits humains.
Enfin, la France pourra toujours se vanter d’être la nation des droits de l’homme, les politiques d’asile n’ont jamais été aussi malmenées que ces dernières années. Les images des tentes lacérées, des vivres confisqués par les forces de l’ordre et des militants criminalisés placent notre pays sur le banc des accusés.
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On ne choisit pas de naître à Homs, Asmara, New York, Paris ou Kyiv. Voilà qui devrait ramener nos États à toujours plus de modestie et de raison dans leurs politiques d’accueil. Parce qu’en France comme ailleurs en Europe et plus largement dans les pays du Nord, il n’y a pas un « problème migratoire », il n’y a qu’un problème d’accueil.
Nous avons une dette. Nous autres, pays du Nord, sommes responsables des dérèglements du monde, qui conduisent inévitablement à des mouvements de populations : qu’il s’agisse du réchauffement climatique, des inégalités, des conflits et des guerres aussi.
Là est notre dette. Il ne s’agit pas pour autant de tomber dans la rhétorique fascisante de la « submersion migratoire ». Il n’y a pas de submersion et l’essentiel des déplacements se font des pays du Sud vers les pays du Sud. D’où notre devoir de solidarité. Parce que l’indifférence tue.
Tout laisse à penser que la moitié de l’humanité a décidé de laisser crever l’autre moitié de l’humanité. Comme si la survie des plus riches de la planète dépendait désormais de la disparition progressive et discrète des plus pauvres d’entre nous.
Le 24 décembre dernier, une fillette de 3 ans était retrouvée échouée sur une plage tunisienne. Huit ans plus tôt, la photo du petit Alan Kurdî, dont le corps avait été découvert gisant sur une plage de Turquie, avait fait le tour du monde. La fillette n’aura pas ces honneurs.
Pourquoi, comment sommes-nous passés de l’indignation à la banalisation ? La crise sanitaire d’abord et la crise économique avec la guerre au cœur de l’Europe aujourd’hui remettent la question des frontières au centre du débat public. Comme si le seul danger venait de l’extérieur.
La gauche doit assumer d’être de gauche et doit porter cet autre discours en faveur de l’accueil.
On sait le contexte favorable au repli sur soi et à la désignation de boucs émissaires. Et alors que se multiplient les actions de l’extrême droite contre l’accueil des exilés, plus que jamais il nous faut parler des migrations. Des alternatives aux politiques sécuritaires et xénophobes existent.
Jamais personne ne quitte sa maison, son village, ses terres, sa famille et ses proches par plaisir. La gauche doit assumer d’être de gauche et doit porter cet autre discours en faveur de l’accueil et de l’asile. C’est l’avenir de l’humanité, de notre humanité, qui est en jeu.