Le Guide du Bordeaux colonial. Mercredi 4 janvier 2023.
Aujourd’hui, notre émission est construite autour d’une longue interview, réalisé il y a 15 jours, à l’occasion de la venue à Bordeaux, dans sa famille, pour les fêtes, d’un globe trotter, sociologue, documentariste, cinéaste, militant pour la justice environnementale, organisateur particulièrement actif, inspiré et inspirant : Clément Guerra.
Clément a parcouru pendant deux ans, de 2012 à 2014, caméra au point, le continent nord américain, d’une communauté indigène à l’autre, communautés impactées par un des plus gros chantiers du monde, un des plus destructeurs surtout pour l’environnement et les peuples indigènes le KXL Pipe Line qui devait permettre d’exploiter le pétrole des sables bitumineux du nord de l’Alberta au Canada et de le transporter jusqu’au golfe du Mexique pour l’exporter, un projet criminel pour les communautés et pour notre planète, un projet qui validait et banalisait l’exploitation du pétrole de schiste, d’une toxicité délirante pourtant.
Son film, « Le condor et l’aigle » sorti en 2019, a eu un grand succès aux Etats-Unis, au Canada et en Equateur auprès des communautés impactées et de tous ceux, de plus en plus nombreux et unifiés, qui luttent pour un grand mouvement de la justice climatique, environnementale et globale.
Entièrement autoproduit, grâce à des levées de fond, le film nous donne à voir l’incroyable dynamisme et charisme de 5 « leaders » comme on dit là bas, des organisateurs de communautés, 4 femmes et un homme, issus de communautés amérindiennes et chicanos, des « leaders » qui portent la parole et la lutte des indigènes marqués du sceau du colonialisme, celui, historique, qui les extermine, les déplace, les parque dans des réserves, celui plus contemporain qui les détruit lentement, avec le racisme, la relégation, la précarité et celui enfin, actuel, sous nos yeux, des compagnies pétrolières, soudoyant les gouvernants, menaçant les opposants, noyant dans la boue pétrolière, asphyxiant, empoisonnant et finissant de détruire les peuples premiers, leurs territoires et leurs cultures.
Ce film est un formidable témoignage mais aussi un outil de lutte au service de ces communautés, qui commencent à obtenir des victoires : la renonciation au dernier tronçon du KXL pipeline, des procès qui condamnent les compagnies pétrolières, une tribune mondiale désormais et un retour en force de la spiritualité dans ces communautés qui alertaient les blancs, colonisateurs, tout puissants, arrogants, du danger mortel qu’il y avait à se détacher de la « Terre mère », de l’ignorer, de s’habituer à la maltraiter, jusqu’au point de non retour…
Les peuples indigènes représentent 5% de la population mondiale, ils vivent sur 20 % des terres, où se trouvent 85 % de la biodiversité. Nous ne nous en sortirons pas avec des politiques simplistes, « conservationnistes », néocoloniales, défendues par les grandes agences et ONG environnementales, comme WWF, qui font des campagnes pour alerter sur la disparition des phoques et des ours blancs mais qui sont inaudibles sur la disparition des Inuits et de leur culture.