Nous avons rencontré la communauté kurde de Bordeaux, au centre culturel de Cenon. Une des victimes était leur ami. Une marche est prévue au départ de la place de la Bourse mercredi 28 décembre à treize heures.
Ils veulent la vérité. Ce mercredi 28 décembre, la communauté se rassemble à 13h sur la place de la Bourse à Bordeaux pour une marche qui ira jusqu’à la place de la Victoire. “Nous souhaitons rendre hommage et demander vérité et justice”, a déclaré le coprésident du centre culturel kurde bordelais, Yasin Yalciner.
Les Kurdes de Bordeaux s’étaient d’abord rassemblés dimanche 25 décembre, “c’était notre premier acte pour montrer notre solidarité avec les nôtres”, explique Badia Hassan, porte-parole du mouvement des femmes kurdes bordelaises.
Vendredi 23 décembre à Paris, deux hommes et une femme kurdes ont été tués par balles et trois autres blessés par un homme qui a reconnu devant les enquêteurs “une haine pathologique” des étrangers, selon la procureure de Paris Laure Beccuau. L’attaque a eu lieu devant le centre culturel kurde Ahmet-Kaya dans le 10ᵉ arrondissement, puis dans un salon de coiffure à proximité.
Une des victimes était leur ami
Depuis vendredi, “dès les premiers jours, les premières heures”, les Kurdes de Bordeaux se sont retrouvés. Nous les avons rencontrés lundi 26 décembre, à Cenon, dans leur centre culturel.
À l’intérieur, les mêmes images passent en boucle sur une chaine d’information kurde, celles des trois personnes assassinées vendredi à Paris. La communauté est sous le choc, un de leurs amis était parmi les victimes.
Le porte-parole du centre culturel kurde de Cenon, O. A. (il ne souhaite donner que ses initiales), nous a parlé de son ami Mir Perwer, chanteur, réfugié politique en France, et assassiné vendredi. “Le chanteur, notre ami Mir, il était emprisonné pendant 4 ans en Turquie parce qu’il chantait en kurde. (…) Il a tout quitté, il est arrivé ici, il était à Bordeaux dans un premier temps. Puis pour avancer dans ses projets, il est parti à Paris. Donc ça s’est arrêté là…” Sa voix se brise dans un sanglot.
“C’était une attaque qui ciblait les Kurdes”
L’auteur présumé de l’attaque, un conducteur de trains retraité et de nationalité française, a été mis en examen pour assassinat et tentatives d’assassinat en raison de la race, l’ethnie ou la religion. Il a été placé en détention provisoire. Mais pour ces Kurdes, le caractère raciste des assassinats ne suffit pas.
Monsieur Darmanin insiste pour dire que c’est une attaque raciste, mais nous, on est sûrs et certains que c’était une attaque qui ciblait les Kurdes.O. A. porte-parole du centre culturel kurde
Il pointe le parcours du suspect le jour de l’attaque. Vendredi matin, l’homme de 69 ans s’est rendu armé à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) “pour commettre des meurtres sur des personnes étrangères”, selon la procureure de Paris. Mais il a renoncé à son projet, est repassé chez ses parents à Paris où il vivait, puis s’est rendu à pied rue d’Enghien (10ème arrondissement) près du centre culturel kurde Ahmet-Kaya, dont il connaissait la localisation.
“Si c’était juste une attaque haineuse, il y avait des dizaines de lieux avec des étrangers pour attaquer et je ne vois pas pourquoi il a fait tout ça pour arriver à Ahmet-Kaya. Il a visé nos camarades”, assure O.A.
Être ensemble
A Cenon, le centre culturel est un pilier de la communauté kurde. “C’est un lieu de vie, c’est un lieu d’accueil de primo-arrivants, si quelqu’un a besoin d’un conseil ou d’une main réconfortante ou d’une solidarité quelconque. C’est un lieu ressource”, décrit Badia Hassan, porte-parole du mouvement des femmes kurdes bordelaises.
Depuis l’attaque, les familles kurdes de Bordeaux se retrouvent dans ce lieu de vie créé en 2015. “Face à un grand drame, les familles ne peuvent pas rester les bras croisés et regarder la télé. Il faut aller chercher la chaleur humaine, il faut aller chercher son entourage”, poursuit Badia Hassan.
Notre colère, notre souffrance… les émotions étaient immenses. Il y a une douleur profonde.Badia Hassan, porte-parole du mouvement des femmes kurdes bordelaises.
On estime à 300 000 le nombre de Kurdes en France. A Bordeaux, selon Badia Hassan, ils sont plus de 3000. Ils exigent désormais que justice soit faite.