Depuis un an, un collectif d’habitants de Bordeaux a lancé une pétition pour dénommer l’avenue Thiers. Ils considèrent l’ancien homme d’État comme “le bourreau de la Commune”.
Par Nicolas Gosselin Actu Bordeaux Mon actu
Passé à la postérité en tant que premier président de la IIIe République française, Adolphe Thiers est aussi connu des habitants de Bordeaux pour avoir donné son nom à la principale avenue de la rive droite de la ville.
Depuis 1878, soit un an après sa mort, l’avenue de Paris a été rebaptisée avenue Thiers en hommage au chef d’État, proclamé « libérateur du territoire » lors d’une séance de l’Assemblée nationale, pour avoir permis le départ de l’Hexagone des troupes d’occupation de la Prusse (excepté en Alsace et dans une partie de la Lorraine) suite à la guerre franco-allemande de 1870.
« Ça revient à nommer une rue Adolf Hitler »
Pourtant, des habitants du quartier de la Bastide ne voient pas l’Histoire d’un même œil. En lisant la plaque commémorative accrochée sur un immeuble à l’entrée de la rue – « C’est en 1871, alors que la France est occupée, qu’Adolphe Thiers est ici nommé pour négocier la paix. Bordeaux, reconnaissante, lui dédia son avenue capitale. » – ils s’insurgent : « Ça revient à nommer une rue Adolf Hitler ! »
Pour les membres du collectif Dénommer l’avenue Thiers, qui ont lancé une pétition en 2021 qui réunit près d’un millier de signatures à la mi-2022, il n’est pas acceptable que « le bourreau de la Commune de Paris » ait une rue à son nom.
Pour rappel, Adolphe Thiers est désigné comme le responsable des massacres de la Semaine sanglante de mai 1871 où il a mené la répression du mouvement – le soulèvement du peuple parisien né après la signature du traité de paix avec les Allemands et leur entrée dans la capitale – qui a fait plus de 20 000 morts. Ce qui lui a valu d’être nommé « l’antisocialiste sanglant », dans un article du Monde Diplomatique.
Thiers, le boucher de la révolte des Canuts
Jean-Pierre Lefèvre, membre du collectif, rappelle que ce n’est pas son seul fait d’arme. Il cite par exemple la façon dont, à l’époque où il était ministre de l’Intérieur, il a écrasé les émeutes républicaines d’avril 1834 à Lyon.
La deuxième grande insurrection des Canuts – des ouvriers qui fabriquent de la soie – est matée dans le sang par Thiers, qui dirige l’armée, avec plus de 600 morts à déplorer et 10 000 insurgés faits prisonniers. « Mais c’était des ouvriers, c’est pas bien grave », ironise Jean-Pierre Lefèvre, pour souligner son manque de considération pour le peuple.Vidéos : en ce moment sur Actuhttps://geo.dailymotion.com/player/x6u2b.html?playlist=x7dyep&mute=true&GK_PV5_PHOTON=1
Georges Clémenceau, maire du 18e arrondissement de Paris en 1871, disait d’ailleurs à propos de Thiers : « C’est le type même du bourgeois cruel et borné qui s’enfonce sans broncher dans le sang. » Karl Marx, lui, le surnommait « le nabot monstrueux » en référence à sa petite taille (1,55m), quand le peuple l’appelait « Foutriquet ».
La revanche de Louise Michel ?
Pour toutes ces raisons, et bien d’autres encore, le collectif Dénommer l’avenue Thiers – porté par plusieurs associations – milite pour que la rue soit dénommée. Mais ce n’est pas gagné… « Pour [Pierre] Hurmic, il n’est pas question de toucher au nom. Il n’a pas la volonté politique de le faire », regrette Jean-Pierre Lefèvre, qui en a touché deux mots à la municipalité il y a quelques mois.
« En plus, nous sommes dans un quartier populaire. Ça aurait du sens de donner un autre nom à cette avenue », enchaîne-t-il. Le nom de Louise Michel, largement impliquée dans la Commune de Paris avant d’être faite prisonnière et déportée, a été soufflé. Sans succès pour l’instant.