Le tremblement de terre dans une région rurale et montagneuse de l’est du pays a fait au moins un millier de morts et près de 1 500 blessés.
Le puissant tremblement de terre qui a frappé, mercredi 22 juin, vers 1 h 30 du matin, une région rurale et montagneuse de l’est de l’Afghanistan pourrait être l’un des séismes les plus meurtriers du pays depuis 2002. Dans la soirée, les bilans faisaient état d’un millier de morts et de près de 1 500 blessés. D’une magnitude de 5,9, il est survenu tout près de la frontière avec le Pakistan, selon l’institut sismologique américain (USGS). Les autorités locales comme plusieurs organismes humanitaires d’urgence ont indiqué que le nombre de victimes pourrait encore progresser.
Une image publiée mercredi par les talibans résumait le drame vécu par des populations vivant dans des zones souvent reculées et difficiles d’accès. Elle montrait une longue tranchée de tombes creusées, sous de fortes pluies et dans le froid, par des habitants souhaitant enterrer leurs morts. « Les abris d’urgence sont une priorité immédiate », a indiqué le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) des Nations unies. La population a également besoin de soins d’urgence, d’aide alimentaire, d’une assistance en services d’eau, d’hygiène et d’assainissement, a ajouté l’OCHA.
Les districts les plus touchés sont ceux de Barmal, de Zerok, de Nika et de Gayan dans la province de Paktika, et celui de Spera dans la province voisine de Khost. Rien qu’à Gayan, près de 200 personnes ont été tuées et une centaine ont été blessées. Jusqu’à 1 800 maisons y auraient été détruites et endommagées, soit 70 % des habitations. De nombreuses familles sans abri ont néanmoins trouvé des hébergements chez des proches ou des membres de leurs communautés.
L’appel au secours des talibans
Le ministère afghan de la défense, qui dirige les opérations sur le terrain, a envoyé quarante-cinq ambulances et dépêché cinq hélicoptères dans la province de Paktika pour faciliter les évacuations sanitaires, et une équipe médicale dans le district de Gayan. Les fortes pluies et le vent ont cependant entravé l’action des secours aériens. L’Unicef a également déployé des équipes d’agents de santé à Gayan, Barmal et Spera. La route entre Shahidano Chawk et l’hôpital de Sharana a été fermée à tout trafic civil pour faciliter le transport des blessés.
Cette catastrophe constitue un test majeur pour le gouvernement des talibans et leur capacité à gérer les affaires du pays, dix mois après leur retour au pouvoir par la force. Elle intervient alors que l’Afghanistan a été mis au ban de la communauté internationale. Le régime islamiste fait face à une grave crise de liquidités, liée aux sanctions financières américaines, notamment au gel de près de 10 milliards de dollars (8,7 milliards d’euros) de la banque centrale afghane. Les talibans ne peuvent compter que sur des versements au compte-gouttes et un premier budget, présenté fin janvier, de 450 millions de dollars, essentiellement constitué des taxes et droits de douane perçus depuis leur arrivée, en août 2021. Le blocage des avoirs du pays et des aides internationales a précipité dans la crise une population dont un tiers, selon l’ONU, était encore, début 2022, menacé par la famine.
D’habitude promptes à considérer avec méfiance leurs contacts avec des partenaires étrangers, surtout occidentaux, les autorités talibanes n’ont cette fois pas tardé à appeler au secours. Le ministère des affaires étrangères a déclaré que l’Afghanistan accueillerait volontiers l’aide internationale. Plus inattendu, le chef suprême des talibans, Haibatullah Akhundzada, qui n’apparaît jamais en public, a lui-même invité, dans un communiqué, « la communauté internationale et toutes les organisations humanitaires à aider le peuple afghan et à ne ménager aucun effort ».
Les modalités financières de l’aide posent des questions
Si l’urgence est reconnue par l’ensemble des acteurs internationaux, les modalités financières du soutien posent encore des questions. Car la plupart des gouvernements hésitent à traiter directement avec les talibans, y voyant un début de reconnaissance politique d’un régime honni qui ne respecte pas les normes du droit international. Cette réticence pourrait ralentir le déploiement de l’aide et des équipes envoyées après de telles catastrophes naturelles. Face aux précédents risques de famine et pour éviter que l’argent ne tombe entre les mains des talibans, la communauté internationale avait acheminé des fonds par l’intermédiaire de l’ONU et d’autres agences humanitaires.
Pour l’heure, l’OCHA coordonne la réponse pour le compte des partenaires humanitaires, et gère, seul, les relations avec les représentants de Kaboul, le bureau taliban de la gestion des catastrophes et des affaires humanitaires, le ministère de la défense et les gouverneurs des provinces sinistrées.
Néanmoins, assure-t-on au sein de l’Union européenne, en matière d’urgence, ces obstacles ne doivent pas exister. Le montant de l’aide humanitaire des Vingt-Sept est d’ailleurs aujourd’hui plus élevé que celui alloué sous le précédent régime. Même son de cloche du côté de l’ONU : à Kaboul, « parler de risque de reconnaissance politique alors qu’on doit gérer une catastrophe naturelle n’a aucun sens ».
Jacques Follorou(Kaboul, envoyé spécial)