Jonathan a fait carton plein sur Parcoursup. Le jeune migrant, lycéen à Brest, a obtenu des réponses positives à tous ses voeux. Cet élève très brillant, qui, il y a encore trois ans était déscolarisé et à la rue, rêve de devenir ingénieur. A la rentrée, il intégrera l’INSA Lyon.
La peur d’être expulsé ne l’a jamais quitté pendant ses trois années de lycée. La peur de se réveiller un matin et de se retrouver, en un battement de cils, dans un avion, direction le Congo, son pays d’origine. “Il n’y a pas pire que cette peur-là” raconte Jonathan, lequel, malgré les doutes et cette panique qui tiraille le ventre, n’a jamais perdu son rêve de vue : réussir à l’école.
Cet élève de terminale STI2D (Sciences et technologies de l’industrie et du développement durable) au lycée Dupuy-de-Lôme à Brest a non seulement réussi, mais il finit l’année scolaire avec une moyenne générale qui pointe à 17,5.
Mieux : les 25 formations qu’il a demandées dans Parcoursup ont toutes été validées. L’embarras du choix pour ce jeune homme qui, il y a trois ans encore, passait sa première nuit brestoise sur un banc dans la rue.
Volonté
En septembre, une fois le bac en poche, c’est à l’INSA Lyon, une prestigieuse école d’ingénieurs, que Jonathan partira étudier. Son premier vœu sur Parcoursup. “La filière que j’ai choisie au lycée est orientée environnement, explique-t-il. Les problématiques actuelles dans ce domaine sont là, on doit avoir des ingénieurs qui se penchent sur cette question. Vous vous rendez compte, je vais pouvoir être un de ceux-là”. Un large sourire mâtiné d’étonnement éclaire son visage, comme s’il n’en revenait pas lui-même. Son rêve devient réalité.
Il nous a marqués par sa rapidité à apprendre Jean-Marc Ménec, professeur principal de Jonathan
C’est à la seule force de sa volonté que le futur ingénieur en est là. “Jonathan, il n’a jamais lâché, relate son professeur principal, Jean-Marc Ménec. Il nous a marqués par sa capacité à comprendre, par sa rapidité à apprendre et à assimiler les choses”.
L’élève, brillant, n’avait pas mis les pieds dans une salle de classe depuis quatre ans quand il intègre une seconde générale dans le lycée brestois. Il a 15 ans et pourtant, l’administration française ne le reconnaît pas comme mineur isolé. “Ce qui a compliqué les choses pour lui, note Brigitte Millet, bénévole de l’ADJIM, une association qui accompagne les jeunes migrants isolés dans le Finistère. Cette suspicion sur son âge ne lui a pas permis d’être pris en charge par le centre départemental d’action social (CDAS, ndlr). Il s’est retrouvé exclu, à la rue”.
L’ADJIM prend le relais, le scolarise et lui trouve une famille d’accueil. Elle a même, depuis, récupéré son extrait de naissance qui indique qu’il était mineur à l’époque.
Focus
Jonathan confie qu’il a eu “des grands moments de stress” qui ont failli avoir raison de sa détermination. “Je me disais parfois ‘ça sert à rien de travailler si à tout moment je peux être renvoyé en Afrique’. Mais la famille qui m’héberge, les profs, l’association, ils ont tous été là pour me conseiller et me permettre de rester focus sur mes études”.
J’ai eu la chance d’être entouré de gens bienveillants Jonathan
Pour rattraper les années d’école perdues, il bûche. Beaucoup. “Même si je n’étais pas allé en cours depuis longtemps, j’avais quand même un niveau car j’ai appris par moi-même au Congo. J’ai eu la chance d’être entouré de gens bienveillants qui m’ont amené à m’intéresser à la lecture, aux sciences. L’école, à Kinshasa, ce n’est pas gratuit ni accessible comme ici”.
Il s’accroche. Envers et contre tout. “Et malgré ceux qui me décourageaient en me disant : ‘Toi, vu ta situation, tu devrais faire un CAP et chercher du travail’, mais ce n’était pas ça, mon rêve”.
Sans-papiers
Cet orphelin de mère, qui n’a jamais retrouvé son père en Angola, a vu la France comme une planche de salut. “On peut être migrant mais grâce au travail, on peut avoir de belles récompenses” analyse le lycéen.
Jonathan savoure le résultat de ses efforts. “Je suis très exigeant avec moi-même. Je ne me contente pas seulement d’avoir une bonne note”.
C’est difficile de vivre avec un avenir incertain Jonathan
Être bon élève pour obtenir le droit de vivre sereinement sur le sol français, c’est son équation naturelle. Celle qui a motivé son parcours et le motive encore puisqu’il n’a toujours pas de titre de séjour. “La seule chose que je maîtrise, ce sont mes études. Le reste, dit-il, ce n’est pas entre mes mains. Je suis un sans-papiers, c’est ma réalité et c’est un énorme poids. Je vais entrer à l’INSA Lyon, je n’aurais pas travaillé pour rien mais c’est difficile de vivre avec un avenir incertain”.