Un jeune homme armé a fait 21 victimes dans une école élémentaire de la ville d’Uvalde. La majorité d’entre elles, dont le nombre pourrait augmenter, avaient entre 7 et 10 ans.

Par Piotr Smolar (Washington, correspondant)

Après la tuerie de l’école élémentaire Robb, à Uvalde (Texas), une cellule de soutien psychologique a été ouverte au centre civique Willie de Leon, le 24 mai 2022.
Après la tuerie de l’école élémentaire Robb, à Uvalde (Texas), une cellule de soutien psychologique a été ouverte au centre civique Willie de Leon, le 24 mai 2022. ALLISON DINNER / AFP

La ville d’Uvalde, au Texas, compte 16 000 habitants. Elle est située à environ 140 kilomètres à l’ouest de San Antonio, en direction de la frontière mexicaine. C’est là que se trouve la Robb Elementary School, une école publique accueillant 570 élèves, essentiellement d’origine hispanique, de milieux modestes ou défavorisés. Salvador Ramos, habitant d’Uvalde, venait d’avoir 18 ans et fréquentait un lycée de la ville.

Mardi 24 mai, après avoir tiré sur sa grand-mère à son domicile pour une raison encore inconnue, le jeune homme s’est rendu à bord de son pick-up gris à proximité de l’école primaire. On ne sait s’il avait choisi cette cible précise de façon préméditée. Il a abandonné la voiture dans un fossé. Il a pénétré dans le bâtiment et fait un carnage.

Au total, au moins 19 enfants, entre 7 et 10 ans, ont été tués, ainsi que deux adultes. Le bilan final des victimes n’est pas encore établi : des blessés ont été évacués, parfois dans un état critique, vers deux établissements hospitaliers de la région. La fusillade a eu lieu à 11 h 30. Salvador Ramos était équipé d’au moins un fusil d’assaut, selon le sergent Erick Estrada, du département de la sécurité de l’Etat, qui a affirmé qu’il avait acheté ses armes pour son 18e anniversaire. On ne sait pour l’heure s’il les avait acquises dans une armurerie du Texas ou en ligne.

Barricadé dans une salle, le tueur a fini par être abattu par la police. Des enfants avaient réussi à s’extraire des classes par des fenêtres, certains s’étaient réfugiés dans un établissement de pompes funèbres situé à proximité, épouvantés. Pendant ce temps, les parents, alertés, affluaient à proximité de l’établissement scolaire, mais il leur était recommandé de se diriger vers le centre civique de la ville, pour pouvoir recenser tous les enfants.

Il s’agit de la pire fusillade dans une école primaire depuis celle de Sandy Hook, à Newtown, dans le Connecticut, en décembre 2012, lorsque 20 enfants et six adultes avaient péri. Selon une estimation du Washington Post, plus de 300 000 enfants ont été exposés directement – comme victimes physiques ou témoins traumatisés – à une fusillade dans un établissement scolaire depuis la tragédie de Columbine, en 1999.

U.S. President Joe Biden reacts as he makes a statement about the school shooting in Uvalde, Texas shortly after Biden returned to Washington from his trip to South Korea and Japan, at the White House in Washington, U.S. May 24, 2022. REUTERS/Kevin Lamarque

Biden entre émotion et chagrin

L’Amérique égrène ses deuils par balles, touchant les adultes et les enfants. Il y a dix jours, le 14 mai, un homme aux convictions suprémacistes cherchant à viser des Noirs avait assassiné dix personnes, dans un supermarché de la ville de Buffalo (Etat de New York). Selon un rapport du FBI publié lundi, l’année 2021 a été marquée par 61 fusillades déclenchées dans des zones peuplées, dans 30 Etats différents, causant 103 morts et 140 blessés, contre 40 crimes similaires en 2020 et 30 les deux années précédentes.

Peu après ce massacre, Joe Biden s’est entretenu avec le gouverneur du Texas par téléphone, à bord d’Air Force One, tandis qu’il s’apprêtait à revenir aux Etats-Unis au terme de son déplacement en Asie. De retour à la Maison Blanche en début de soirée, le président a prononcé une allocution empreinte d’émotion et de chagrin. « En tant que nation, nous devons nous demander : quand pour l’amour de Dieu allons-nous affronter le lobby des armes ? » Joe Biden a appelé à la mobilisation, dès lors que « la plupart des Américains soutiennent des législations de bon sens » en matière d’armes à feu. « L’idée qu’un gamin de 18 ans puisse pénétrer dans un magasin d’armements et acheter deux fusils d’assaut est tout simplement inacceptable », a-t-il dit.

Janish Patel met en berne le drapeau américain devant son hôtel, après la tuerie de l’école élémentaire Robb, à Uvalde (Texas), le 24 mai 2022. WILLIAM LUTHER / AP

Le président américain, qui a appris la tragédie dans l’avion, a partagé sa réflexion du moment. « Ce qui m’a frappé, pendant ce vol de dix-sept heures, c’est que ce genre de tuerie de masse n’arrive quasiment nulle part ailleurs dans le monde. Pourquoi ? Ils ont des problèmes de santé mentale. Ils ont des conflits familiaux, dans les autres pays. Ils ont des gens perdus. » A ce stade, Joe Biden en est resté au constat et à l’appel à la prière pour les victimes et leurs proches. Il n’a même pas cité le Congrès dans son discours. Mais les jours à venir vont susciter un vif débat entre les démocrates, à l’offensive sur un terrain qu’ils connaissent bien mais qui leur est défavorable, et les républicains, préférant parler d’individus isolés plutôt que de législations permissives facilitant la violence.

Les républicains veulent armer les instituteurs

Les drapeaux ont été baissés, en berne, sur les toits des bâtiments fédéraux. Les communiqués de condamnation sont vite tombés de part et d’autre du champ politique. Mais les blocages systémiques demeurent dans la régulation des armes à feu. Le leader des démocrates au Sénat, Chuck Schumer, a annoncé son intention de mettre au vote dès jeudi un texte renforçant les vérifications avant toute acquisition d’armes, que ce soit en ligne ou dans un salon d’exposition.

Vendredi aura lieu la conférence annuelle du lobby du secteur, la puissante National Rifle Association, qui rassemblera des dizaines de milliers de participants à Houston, dans ce même Texas. De nombreux républicains sont attendus à la tribune, dont le gouverneur de l’Etat, Greg Abbott. Ce dernier a fait passer de multiples textes en matière de port d’armes – un permis n’y est plus nécessaire, par exemple, pour se promener avec une arme de poing – afin de transformer son Etat en « sanctuaire du deuxième amendement » de la Constitution. Donald Trump sera là, en invité de marque.

En attendant, face au drame d’Uvalde, le procureur général du Texas, le républicain Ken Paxton, a confié sa solution, sur l’antenne de la chaîne ultraconservatrice Newsmax : armer les instituteurs. « Nos cœurs ne cessent de se briser, a résumé la vice-présidente Kamala Harris, en préalable d’une conférence prévue de longue date. Trop, c’est trop. » Aux Etats-Unis, la colère causée par les fusillades n’est jamais féconde. Elle succède à une autre et précède la suivante.

Piotr Smolar (Washington, correspondant)

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