Ce jour-là, les élèves du lycée professionnel de Stains et du lycée Marcel Cachin de Saint-Ouen sont aux anges : leur professeur organise une sortie au musée. Mais rien ne se passe comme prévu, et cette journée éducative vire au conflit, voire au cauchemar.
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“On leur reprochait d’exister”
Ces lycéens et lycéennes découvrent pour la première fois le musée d’Orsay. Ils sont émerveillés par l’architecture de cette ancienne gare. Rassemblés dans une salle de pause, près de la boutique de souvenirs, non loin d’un autre groupe scolaire, ils partagent leur enthousiasme entre eux. “On discutait, on parlait normal, comme tout le monde.” C’est alors qu’un vigile les invective sans ménagement.
“Il nous agresse en criant : ‘Fermez vos gueules, fermez vos gueules.’ La façon dont il l’a dit, c’était choquant. On s’attendait pas à ça. Il pouvait nous dire ‘taisez vous’, mais pas ça. On est des humains, comme tout le monde.”
L’enseignante entraîne donc sa classe vers la sortie. Seulement, le vigile les suit, en continuant à les admonester, et à reprocher à l’enseignante à la fois sa manière d’encadrer ses élèves et… son style vestimentaire.
“Le vigile ne voulait pas me parler à moi parce qu’il considérait que j’étais mal habillée, que je n’avais pas l’air d’une professeure et qu’on arrivait pas à savoir si j’étais un homme ou une femme.”
Pour leur enseignante, le bruit n’est qu’un ” prétexte” pour exclure ses élèves. “On ne leur reprochait pas de faire du bruit, on leur reprochait d’exister dans le musée.” Pour les lycéens, la raison de cette agression ne fait aucune doute. Il n’agit “pas de racisme”, selon une élève, mais de discrimination liée à leur département d’origine, la Seine-Saint-Denis (93). Autrement dit, parce qu’ils viennent d’un lycée de banlieue, ils sont catégorisés comme des éléments perturbateurs dans un grand musée parisien.
“Notre place n’est pas là bas”
A quoi ressemble cette exclusion, quand elle n’est pas évidente comme dans la première histoire ? Un lycéen du lycée professionnel Marcel Cachin, situé également dans le 93, raconte.
“Y a des regards. Des regards méfiants.On sent le cliché dans leur regard. Ils regardent notre apparence : jogging, basket, il vient des banlieues.”
Leur professeur de français et histoire-géographie confirme : “A chaque fois que je fais une sortie avec ma classe, j’ai peur que ça se passe mal si les personnes en face sont hostiles.” Cette hostilité ne se traduit pas toujours pas des invectives. Pour ces lycéens de Saint-Ouen, elle ressemble à un climat suspicieux qui gâche le plaisir de leur sortie scolaire. Autorisés à déambuler librement dans le Louvre pour un devoir, ils s’aperçoivent rapidement qu’ils sont systématiquement suivis par des vigiles méfiants. “On nous regardait qu’un mauvais œil : on était surveillés.” S’ils s’approchent d’une œuvre, on leur demande de “faire attention à ne pas la casser”. S’ils parlent, on leur demande immédiatement de se taire. Une ambiance pesante qui renforce l’impression de certains de ces lycéens ne pas avoir leur place au sein d’un musée.
Certains se résignent, d’autres, sont révoltés : “Ce n’est pas parce que je suis Noir ou que je viens de banlieue que j’ai pas ma place ici comme tout le monde.” Leur enseignante dénonce également cette hostilité ambiante. Reste à espérer que ces expériences d’exclusion sociale ne dissuadent pas définitivement ces lycéennes et lycéens de fréquenter les lieux culturels.