Les organisations de l’ONU, à l’image de la FAO, qui tient actuellement sa 32e conférence régionale pour l’Afrique, multiplient les alertes. Des millions de personnes supplémentaires pourraient basculer dans l’enfer de la faim.
Publié leJeudi 14 Avril 2022Nadjib Touaibia AFP
L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) tient sa 32e conférence régionale centrée sur l’Afrique, plus que jamais menacée d’une crise alimentaire de grande ampleur. Réunis depuis lundi jusqu’au 13 avril à Malabo, en Guinée équatoriale, plus de cinquante ministres africains, des représentants de pays observateurs, de l’Union africaine, des organisations donatrices, de la société civile et du secteur privé prennent ensemble la mesure de la tragédie annoncée. Un « ouragan de famine et un effondrement du système alimentaire mondial », prédisait à la mi-mars le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres.
La situation est désormais évaluée et appréhendée en termes d’alerte et d’urgence. Le sous-directeur général de la FAO et représentant régional pour l’Afrique parle de « pandémie silencieuse de pauvreté, de faim et de sous-alimentation, et d’extrême vulnérabilité aux chocs » sur le continent.
Le prix des céréales a augmenté de 17 % en un mois
Le constat est terrible en effet pour les pays pauvres, déjà confrontés à une crise alimentaire (dérèglements climatiques, conflits), ou considérablement fragilisés par les hausses de prix et la spéculation boursière autour de produits essentiels.
La FAO rappelle que l’Afrique comptait plus de 280 millions de personnes sous-alimentées avant la pandémie de Covid. En Afrique de l’Ouest et au Sahel, l’insécurité alimentaire a fait un bond sans précédent, touchant 10,8 millions de personnes en 2019 et 40,7 millions en 2022. Avec la guerre en Ukraine, c’est désormais une course contre la montre pour éviter que des millions d’autres personnes ne basculent dans cet enfer. En cause, la flambée des prix. La FAO estime qu’ils ont augmenté de 12,6 % par rapport à février et de 33,6 % par rapport à mars 2021. Les céréales, aliment essentiel, ont connu une hausse de 17 % en un mois (19,7 % pour le blé et 19,1 % pour le maïs). Huiles végétales, viande, produits laitiers, sucre… rien de ce qui constitue le panier moyen du consommateur n’est épargné, partout les indices de hausse s’évaluent à deux chiffres.
Le Programme alimentaire mondial (PAM), qui s’adresse à quelque 125 millions de personnes dans le monde, s’approvisionnait en céréales, pour l’essentiel en Ukraine. Il dresse à présent de sombres perspectives. « La dernière chose que nous voulions faire au PAM est de prendre la nourriture d’enfants affamés pour la donner à des enfants qui meurent de faim », a mis en garde, fin mars, son directeur, David Beasley, devant le Conseil de sécurité des Nations unies. La spirale de l’horreur dans un monde qui regorge pourtant de richesses.
La faim s’installe et progresse à la faveur des conflits. Plus de 60 % de ceux qui en souffrent vivent dans des régions déchirées par des affrontements communautaires ou autres (Éthiopie, Yémen, Syrie, Somalie, Afghanistan…). La guerre en Ukraine, qui compte, avec la Russie, parmi les cinq premiers exportateurs mondiaux de blé et de maïs, agit comme un catalyseur de la famine. En première ligne face à ce fléau, les pays pauvres sont déjà durement frappés.