L’Allemagne a annoncé mercredi qu’elle ne participerait plus à la formation des garde-côtes libyens, encadrée depuis 2016 par l’Union européenne. Berlin invoque des cas de maltraitance de migrants et des “comportements inacceptables” de la part des Libyens.
L’Allemagne a annoncé mercredi 30 mars que son armée ne dispenserait plus de formations à destination des garde-côtes libyens, en raison du traitement infligé par ces derniers aux migrants dans le pays.
“Le gouvernement allemand ne peut pas actuellement justifier la formation des garde-côtes libyens par les soldats allemands au vu du comportement inacceptable et répété d’individus membres des garde-côtes à l’égard des réfugiés et des migrants, et également à l’égard des organisations non-gouvernementales”, a déclaré la porte-parole du ministère allemand des Affaires étrangères, Andrea Sasse.
La collaboration entre la Libye et l’Union européenne, qui forme les garde-côtes et leur fournit des équipements pour bloquer les flux migratoires, est un sujet régulièrement controversé, tant les accusations visant ces forces libyennes sont légions. De nombreux témoignages font état de maltraitance des migrants interceptés en mer, et même de tirs visant des embarcations surchargées, conduisant parfois à des décès.
“Selon nos informations, dans au moins deux cas, les garde-côtes ont agi de manière complètement inacceptable et illégale”, a ajouté Andrea Sasse, à propos d’incidents “survenus en juillet 2021”.
Début juillet 2021, les garde-côtes libyens avaient fait usage de leurs armes au large de Lampedusa. La scène, filmée par l’organisation Sea-Watch depuis son avion de surveillance Seabird, montrait un bateau libyen s’approcher tout près d’une embarcation en bois, et tirer dans l’eau à balles réelles.
“Nous mettons fin à ce soutien”
Dans un rapport confidentiel remis en janvier 2022, l’Union européenne avait estimé que les autorités libyennes avaient eu recours à un “usage excessif de la force” envers les migrants et que certaines interceptions en Méditerranée avaient été menées à l’encontre de la réglementation internationale. Pourtant, l’UE avait décidé de maintenir son soutien aux forces libyennes.
Dans les rangs du parlement allemand, cette prise de position en a réjoui certains. “Les soi-disant garde-côtes se composent en partie de milices criminelles, interceptent les personnes en fuite avec des moyens brutaux et les ramènent en Libye”, a réagi, sur Twitter, le membre du parlement allemand Julian Pahlke. “Nous mettons fin à ce soutien”, a-t-il ajouté.
Dans le même temps, Berlin a accepté d’étendre pour un an sa participation à l’opération Irini, une opération militaire menée par l’Union européenne pour faire respecter l’embargo sur les armes imposé à la Libye par les Nations unies.
Droits humains, lois maritimes, lutte contre le trafic, collecte de preuves…
La formation des garde-côtes libyens, supervisée par la force navale européenne en Méditerranée (EUNAVFOR MED) et mieux connue sous le nom d’”Opération Sophia”, a pour but de freiner les arrivées de migrants illégaux dans l’Union européenne.
D’après Bruxelles, les formateurs enseignent les procédures de recherche et de sauvetage, les principes de premier secours et de soins médicaux, les droits humains internationaux et les lois maritimes, la lutte contre le trafic, la collecte de preuves, tout comme les procédures de demandes de droit d’asile.
Depuis 2016, ces formations se sont notamment déroulées en Italie, en Grèce, en Croatie, à Malte.
En 2021, les garde-côtes ont récupéré plus de 32 000 migrants en mer, soit près du triple de 2020. Pour ces candidats à l’exil, qui retrouvent ainsi “l’enfer libyen” comme beaucoup le décrivent, la case prison est alors quasi-systématique.