Par Annabel Perrin – a.perrin@sudouest.fr
Publié le 19/03/2022 à 15h03
Ils sont arrivés en France en 2014 pour fuir le conflit au Donbass. En 2021, ils obtiennent leur titre de séjour. Entre temps, Maksim Nikonenko et Ludmila Silkina ont été des réfugiés clandestins
Aujourd’hui, Ludmila Silkina, Maksim Nikinenko et leurs deux enfants regardent la guerre en Ukraine depuis le salon de leur maison louée à Pujols. Et ce couple d’Ukrainiens n’est guère surpris par la tournure des événements dans leur pays natal. En 2014, ils ont tous deux choisi de fuir la région du Donbass pour échapper à la guerre qui y faisait déjà rage.
À l’époque, Maksim Nikinenko participe aux manifestations pro-Maïden dénonçant le pouvoir ukrainien en place qui avait alors choisi de signer un accord avec la Russie plutôt qu’avec l’Europe. Une prise de position qui vaut ensuite à Maksim Nikinenko d’être agressé et menacé par la police. Quand la lettre de sa mobilisation pour se battre au Donbass lui parvient, Maksim décide de partir. Il rejoint la France, puis Bordeaux en juin 2014. Ludmila le rejoint en septembre avec leur garçon âgé d’à peine deux ans, soit un voyage de 3 500 kilomètres en trois jours « avec juste une petite valise et mon enfant dans les bras ».
Logés chez l’habitant
C’est alors que les difficultés commencent pour obtenir les précieux papiers les autorisant à rester en France, à leur grande surprise : « Pour eux, ils étaient réfugiés politiques, explique Claude Arnaud de Solidarité-RESF 47 qui s’est chargé de leur dossier. Mais, en France, on leur a demandé de prouver qu’ils étaient en danger s’ils repartaient en Ukraine… » Faute de documents attestant les agressions et les menaces subies par Maksim Nikinenko, l’État français refuse de leur accorder le droit d’asile : « Lorsque l’on se présentait à la préfecture, personne ne nous croyait quand on leur disait qu’on avait fui la guerre…, raconte Ludmila. À cette époque, ici, on ignorait la situation au Donbass. »
« Ils ne comprenaient pas pourquoi, à chaque fois, ils écopaient d’un refus alors qu’ils avaient fui la guerre »
Durant la période des démarches administratives et des recours qui dure deux ans, toute la famille est accueillie au Centre d’accueil de demandeurs d’asile à Bon-Encontre, puis dans un logement HLM. Confiants, Maksim et Ludmila font un deuxième enfant, une petite fille naît en France. Mais en novembre 2016, la famille bascule dans l’illégalité. Solidarité-RESF 47 est alors sollicité, les fait venir sur Pujols et les loge chez l’une de leurs bénévoles en novembre 2016. « À ce moment-là, on ne trouvait aucun logement disponible pour les réfugiés à Villeneuve-sur-Lot. L’association payait les charges d’eau, d’électricité… Pour que leur accueil ne coûte rien à notre bénévole, explique Claude Arnaud. On s’est également acquitté de tous les frais d’avocat et de déplacement engendrés par le traitement de leur dossier. »
Circulaire Valls
Un dossier lourd qui a duré cinq années. « Durant tout ce temps, faute de papiers, nous ne pouvions pas travailler ou même entamer une formation pour apprendre le français…, raconte Ludmila. Nous allions au Secours populaire pour pouvoir nous nourrir ou nous habiller. » Les enfants, eux, sont scolarisés. « Nous avons épuisé tous les recours possibles jusqu’à la Cour nationale du droit d’asile, raconte Claude Arnaud. On s’est battus, c’était difficile pour eux. Ils ne comprenaient pas pourquoi, à chaque fois, ils écopaient d’un refus alors qu’ils avaient fui la guerre. »
En 2021, Ludmila Silkina et Maksim Nikinenko entrevoient le bout du tunnel… et vont bénéficier de « la circulaire Valls créée en 2012 qui régularise toute famille de réfugiés résidant en France depuis cinq ans et dont les enfants sont scolarisés depuis au moins trois ans. Ce qui était leur cas, explique Claude Arnaud. Ils ont donc obtenu un titre de séjour, renouvelable. Mais je ne doute pas qu’aujourd’hui, le renouvellement leur sera accordé sans difficulté. »
Depuis sa régularisation, la petite famille construit peu à peu sa vie en France. Maksim Nikinenko est plombier, exerçant ainsi le même métier qu’en Ukraine et s’applique à améliorer son Français. « Et il vient tout juste d’obtenir son permis de conduire, ici, lance fièrement Ludmila. Moi, je suis en train de le passer. » La jeune femme, elle, compte sur ses compétences linguistiques pour retrouver du travail. Car en dehors de sa langue maternelle, l’Ukrainien, Ludmila parle couramment le Russe, l’Anglais et se débrouille bien en Français.
Depuis bientôt huit ans qu’ils sont en France, ils ne sont jamais retournés en Ukraine où vit encore une partie de leur famille : « On comptait y aller cet été… J’ai voulu faire venir mes parents en France, mais ils n’ont pas voulu laisser mon frère seul là-bas en pleine guerre, raconte Ludmila. Aujourd’hui, j’ai peur pour eux. »