Seule avec son fils dans une chambre universitaire à Champigny, cette Camerounaise de 31 ans vit dans la terreur d’être expulsée de son logement et du territoire français.
Quatre lettres qui résonnent comme un couperet : OQTF. Fatou (1) se souvient avec émotion du jour où la lettre de la préfecture est arrivée. « Je ne pouvais pas me décider à l’ouvrir. Le soir, en la décachetant, j’ai appris que j’étais sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF). » Débute alors une véritable descente aux enfers pour la jeune Camerounaise de 31 ans, en France depuis plus de dix ans et titulaire d’un master d’économie et de gestion obtenu à l’université de Nanterre. En 2010, alors qu’elle vient d’obtenir son baccalauréat scientifique à Yaoundé, la brillante élève décide de poursuivre ses études dans notre pays. « Mon oncle m’y a encouragée, c’est lui qui m’a financé le voyage et aidée durant les premières années », explique celle qui s’inscrit d’abord en physique-chimie à l’université de Dijon, avant d’être rattrapée par des ennuis de santé qui l’amèneront à changer de voie. « J’ai subi plusieurs opérations, du coup je n’ai pas pu suivre correctement mon cursus, et malgré mon appétit pour les sciences, ces études ne me convenaient pas. »
« Dès que je vois un uniforme, mon cœur s’emballe »
Fatou arrive donc à Paris en 2013 pour débuter une licence d’économie et gestion à Nanterre. Les chiffres et la comptabilité, c’est son truc ! Durant ses études, elle enchaîne les stages dans plusieurs grandes banques où elle décroche, durant les vacances, des CDD en tant que gestionnaire de comptes d’entreprises. Fort heureusement d’ailleurs, puisque, au décès de son oncle, elle doit désormais subvenir seule à ses besoins. Fatou envoie même régulièrement de l’argent à sa famille au Cameroun. Entrée en master, l’étudiante se prépare à une brillante carrière à l’issue de ses études. Elle veut rester en France, où elle vient de rencontrer celui qui deviendra le père de son enfant. En 2020, Fatou est enceinte, mais la grossesse se passe mal. Malade, elle ne peut plus ni suivre ses cours ni travailler. « Comme j’avais le statut d’étudiante, je n’ai pas pu m’inscrire à Pôle emploi et bénéficier de l’assurance-chômage. J’ai dû solliciter le RSA », précise la jeune femme, dont la situation financière se dégrade . « Je n’avais plus les moyens d’aider ma famille, j’allais avoir un bébé, cela a créé des tensions qui ont fini par nous faire perdre tout lien », soupire-t-elle. La naissance du petit Rendal (1) emplit d’abord le couple de joie. Un bonheur qui sera de courte durée : le père de l’enfant, très investi durant les premiers mois, refuse finalement de le reconnaître. Il finit par s’évaporer. « J’ai appris par des amis communs qu’il était retourné au Sénégal, d’où il est originaire… », confie Fatou. Seule avec le bébé, elle veut néanmoins poursuivre ses études. Mais les frais d’inscription de plus de 2 500 euros exigés pour les étrangers non communautaires sont hors de portée. Elle doit renoncer.
C’est alors qu’elle reçoit un courrier de la préfecture lui réclamant un certificat d’inscription à l’université pour que son titre de séjour « étudiant » soit prolongé. Dans l’incapacité de le fournir, la voici « sans papiers ». Et sans droits : le RSA et les APL qui l’aidaient à payer le loyer de sa modeste chambre universitaire sont coupés. Sa demande de logement social est suspendue. Pour se nourrir, elle se tourne vers les distributions alimentaires et surtout vit dans la peur d’un contrôle de police qui pourrait la conduire en rétention. « Je n’ose plus sortir, encore moins prendre les transports en commun. Dès que je vois un uniforme, mon cœur s’emballe », explique la jeune femme, qui souffre d’hypertension sévère sans doute liée au stress.
« Je ne demande qu’une chose : un titre de séjour régulier »
Fatou se met en quête de soutiens. C’est ainsi qu’elle rencontre l’association d’aide aux sans-papiers Sang pour sans, dont la présidente, Évelyne Perrin, remue ciel et terre pour l’aider. « J’ai immédiatement mobilisé tous mes contacts, explique la militante. La députée européenne Leïla Chaibi ainsi que les parlementaires Marie-George Buffet et Elsa Faucillon ont accepté d’écrire au préfet pour demander la levée de son OQTF. Et Mgr Gaillot a fait une très belle lettre destinée au juge qui doit se prononcer sur le recours qu’elle a déposé, dans laquelle il l’exhorte à “rendre une justice humaine”. »
Mais le temps de la justice est long. Depuis deux ans, Fatou n’a pas pu travailler et passe ses journées enfermée dans 15 m2 avec son fils… Les loyers en retard s’accumulent. Au point qu’une procédure d’expulsion est engagée. Elle pourrait se retrouver à la rue avec son enfant à la fin de la trêve hivernale. « Je ne demande qu’une chose : un titre de séjour régulier. J’ai des diplômes, de l’expérience, je trouverai facilement du travail pour rembourser mes dettes locatives », assure la jeune femme, qui aspire aussi à « assurer une vie sereine et un bel avenir à son fils ». (1) Les prénoms ont été changés.