Alors que pendant des années les critiques des ONG ont été ignorées, Frontex est aujourd’hui sur la sellette. Depuis son entrée en fonction en 2005, l’agence de garde-frontières et de garde-côtes européens a joué un rôle grandissant dans la mise en œuvre de la politique migratoire sécuritaire de l’Union européenne (UE). Longtemps adoubée par les institutions européennes qui n’ont cessé depuis 15 ans de renforcer ses compétences en matière de contrôle et d’expulsions, et son budget (passé de 5 à 543 millions €), elle est à partir de 2020 pour la première fois publiquement questionnée sur ses activités et sa gouvernance (Commission et Parlement européens, Médiatrice de l’UE, OLAF), et en partie lâchée par ses soutiens.
L’agence est en effet accusée de violations répétées des droits, et notamment de refoulements aux frontières européennes (ONG et médias internationaux), de manquements à ses obligations réglementaires, de dysfonctionnements internes, voire d’inefficacité (Cour des comptes).
Si les médias se sont fait le relais des défenseur·euse·s des droits, qui dénoncent depuis plus de dix ans le mandat de Frontex attentatoire aux droits fondamentaux des exilé·e·s, son opacité, son autonomie sans contrôle, et son impunité structurelle, son évolution délétère est pointée du doigt jusque dans ses propres rangs, l’ancien directeur adjoint de l’agence ayant déclaré “être profondément préoccupé par l’atteinte à la réputation de l’agence, sa décision d’armer des agents et son incapacité à empêcher l’extrême droite d’infiltrer ses rangs, dans un contexte de mouvements anti-migrants à travers l’Europe”.
Les années écoulées ont largement démontré la dangerosité d’une agence hors de contrôle et hors-la-loi, emblème de la politique européenne d’ultra-sécurisation des frontières et de la guerre aux migrant·e·s.
Frontex n’est pas réformable, seule sa suppression pourrait inaugurer une nouvelle ère dans laquelle l’attachement aux droits fondamentaux ne serait pas un simple artifice rhétorique.
Ont contribué à l’élaboration de cette Note : Diletta Agresta (ASGI), Matteo Astuti (ASGI), Emmanuel Blanchard (Gisti), Brigitte Espuche (Migreurop), Lucia Gennari (ASGI), Jane Kilpatrick (Statewatch), Yasha Maccanico (Statewatch), Marie Martin (Migreurop), et Claire Rodier (Gisti).
Cartographie : Hugo Roche
Photographie : Salvatore Cavalli/AGF Italie
Design graphique : La Société