Publié le 3 décembre 2021 par Hugues Le Paige
Un candidat à la présidence pourra méditer la paraphrase de l’Évangile de Matthieu[1]. Car en quelques heures, ce mardi 30 novembre, Zemmour a découvert l’effet boomerang du mauvais usage des médias, lui qui jusqu’ici existait essentiellement par eux. D’abord un clip sorti du tombeau où le candidat fascisant exalte la France du passé tout en s’annexant — sans leur consentement — moult œuvres, créateurs et auteurs. Les uns n’ont pu que se retourner dans leur cercueil, les autres s’apprêtent à lui faire des procès en plus de ceux qui concernent la violation des droits d’auteur. Même Barbara, elle qui chantait « Un homme/Une rose à la main/A ouvert le chemin/Vers un autre demain » s’est trouvée enrôlée de force dans la Milice zemmourienne. Ensuite, le même jour, un examen de passage tout aussi manqué sur TF1 où le candidat se lamente du traitement journalistique dont il serait la victime. Avis partagé par l’ancêtre inoxydable des multi cartes (de presse), Alain Duhamel qui vient ainsi au secours de l’auteur du « Suicide français »[2].
Évidemment, Z., l’invité permanent des chaînes d’info continue a l’habitude d’être entouré de comparses idéologiques et d’animateurs qui l’assurent de leur bienveillant soutien. Sur les médias « bolloréens », mais pas que… Et soit dit en passant qu’un journaliste de TF1 soit taxé d’impertinence et d’agressivité doit être noté dans les annales médiatiques. Cela n’arrivera plus de si tôt… sauf face aux candidat. e. s de gauche.
Quels que soient l’avenir et les avatars de cette candidature, elle continue de miner le champ politique, et, en cela, son titulaire peut en savourer les effets collatéraux. Le dernier en date est évidemment la victoire d’Éric Ciotti (25,59 %) qui arrive en tête des prétendants LR à la présidence.[3] Même courte cette victoire en dit long sur l’état idéologique de cette famille politique qui a abdiqué toute autonomie de pensée et a décidé de trouver son salut dans l’alignement à l’extrême-droite. La course éperdue à la radicalisation en matière de sécurité et à propos de l’immigration ou de l’Islam était pathétiquement partagée au cours des débats qui, en la matière, rassemblaient plutôt qu’ils distinguaient les cinq candidats républicains. Les favoris ont été battus. Le vague souvenir d’un Xavier Bertrand, représentant jadis de la droite sociale a suffi pour le disqualifier même si ses tergiversations stratégiques (aller-retour chez LR) ont aussi pesé lourd dans sa défaite. Barnier avait beau renier tout ce qu’il avait adoré, les électeurs LR ont préféré « l’original à la copie » avec un Ciotti que rien ne sépare de Zemmour dont il a d’ailleurs reçu les félicitations chaleureuses. Pécresse a bénéficié du rejet des favoris… et de l’inlassable travail de recrutement de son directeur de campagne, le très à droite Patrick Stefanini (qui avait jadis occupé la même fonction chez Fillon). L’ancien préfet a, en effet, doublé le nombre d’adhérents-électeurs (de 15 000 à 30 000 en deux mois) dans la Fédération LR d’Ile de France, le fief de Pécresse. Charles Pasqua, en son temps, n’aurait pas fait mieux.
Le moment de l’extrême-droite se prolonge donc dramatiquement dans cette campagne où la gauche et sa multitude de candidats sont inaudibles, invisibles, introuvables…
[1] « qui vit par l’épée périra par l’épée » ( Matthieu,26-52)
[2] Il faut lire à ce sujet l’article paru dans Le Monde du 2 décembre : « L’étrange bienveillance d’une partie des élites envers Zemmour ». Et parmi les « « bienveillants » : Michel Onfray , Marcel Gauchet et Jacques Julliard
[3] La second tour de scrutin, ce samedi 4 décembre.