Depuis plusieurs semaines, des milliers de migrants venus du Moyen-Orient sont poussés vers la frontière polonaise par la Biélorussie, qui exploite une phobie migratoire toujours plus grande en Europe de l’ouest.
Depuis plusieurs semaines déjà, plusieurs milliers de migrants venus du Moyen-Orient se voient attribuer très facilement des visas pour la Biélorussie, à partir de laquelle ils sont littéralement poussés vers la frontière polonaise, et donc le territoire européen.
Une manière pour Loukachenko de mettre la pression sur Varsovie et sur Bruxelles, qui lui a infligé plusieurs trains de sanctions depuis sa réélection entachée d’irrégularités et la sévère répression qui s’en est suivie. Car les voisins de l’Union européenne le savent bien : les 27 versent dans une phobie migratoire toujours plus grande, preuve en est, le projet de mur annoncé par Varsovie pour protéger une partie de sa frontière orientale. Turquie, Maroc, Libye, Egypte, et maintenant Biélorussie. : chacun à sa manière exploite cette peur à des fins politiques. Comment l’immigration est-elle devenue un levier diplomatique de premier ordre pour les partenaires et les ennemis de l’Union européenne ? Quelle réponse Bruxelles est-elle en capacité d’opposer à ces attaques “hybrides” qui se multiplient ces dernières années ? Quelles divisions européennes internes ces crises successives soulignent-elles ? Et que disent-elles du climat politique qui règne sur le continent ?
Florian Delorme s’entretient avec Irina Muetzelburg, chercheuse au ZOiS, l’institut d’études est-européennes et internationales à Berlin et spécialiste des politiques migratoires européennes et Yves Pascouau, chercheur associé à l’institut Jacques Delors et spécialiste de la politique d’asile et d’immigration de l’Union européenne.
Seconde partie : le focus du jour
En Sicile, un « marché » de l’accueil
Si l’accueil des personnes migrantes est le point faible de l’Europe, il représente un secteur économique à part entière dans certaines zones. C’est notamment le cas en Sicile, région pauvre du sud de l’Italie et point d’entrée sur le Vieux continent pour nombre d’exilés. Cependant, aussi humanitaire soit-il, ce « marché » de l’accueil a ses aléas : corruption, investissements mafieux ou encore chômage, un phénomène corrélé à la baisse d’arrivées sur le sol sicilien. Quelle économie de l’accueil s’est développée aux portes de l’Europe ? Comment ce « marché » réagit-il au durcissement de la politique migratoire italienne ?
Avec Marie Bassi, maîtresse de conférences en science politique à l’Université Côte d’Azur et chercheuse au Laboratoire ERMES.
Références sonores
- A propos des migrants à la frontière polonaise, Alexandre Loukachenko s’adressait de manière virulente à l’Europe début novembre dernier (Arte, 15 novembre 2021)
- Extrait d’une conférence de presse de Mateusz Morawiecki qui dénonce l’envoi de réfugiés par le pouvoir biélorusse à la frontière polonaise (Euronews, 22 novembre 2021)
- Début novembre, Charles Michel dénonçait l’attaque hybride biélorusse aux frontières de l’Europe lors du discours sur l’Etat de l’Europe (Ruptly, 10 novembre 2021)
- Témoignage d’une garde-frontière polonaise qui dément les supposés mauvais traitements perpétrés par la police polonaise envers les réfugiés (Le Parisien, 12 novembre 2021)
- Voici ce que répondait Jean-Yves Le Drian à la question de savoir si la construction d’un mur à la frontière polonaise était justifiée ou pas chez nos confrères de RTL dimanche dernier (RTL, Le Grand Jury, 21 novembre 2021)
- Témoignage d’Ebrima Kanteh, demandeur d’asile gambien et du juge Raffaele Cantone, chargé de la lutte anti-corruption à Rome à propos de l’exploitation des migrants dans les camps de Sicile (Euronews, 08 avril 2018)