Les actions antiracistes sont de la responsabilité de tous. Nous pouvons penser, à tort, que le changement passe par de grandes actions ou de grands acteurs. Selon moi, l’évolution vers un monde meilleur monde et une société moins raciste, commence par le choix des mots. Et tout le monde, s’exprime avec des mots et peut donc être acteur du changement.

Ce matin, j’écris cette publication pour signifier mon agacement quant au choix de certains mots ou expressions qui ont une incidence dans la manière de penser, non pas de quelques-uns, mais du collectif, c’est-à-dire l’ensemble de la population. Alors que je discutais avec une connaissance de tout et de rien, est venu tout à coup le sujet de la magie. Prenant pour référence Harry Potter, Charmed, les contes fées des Grimms ou de Perrault et bien sûr …. notre éducation, celle-ci évoque la magie noire pratiquée par les grands méchants de nos références culturelles. La magie noire, en elle-même, peut-être considérée comme une sorte de personnage méchant, démoniaque, satanique. En voici la définition :

La magie noire : ensemble de pratiques secrètes qui ont pour but de se concilier les mauvais esprits, les forces surnaturelles, pour qu’ils exercent leurs pouvoirs à l’encontre de quelqu’un à qui l’on cherche à nuire.

Autre définition :

La magie noire est une magie qui est utilisée pour faire le mal, par opposition à la magie blanche.

Quelque chose me gênait profondément dans cette expression et cela n’avait pas trait à la magie, en soi. Ce qui me gênait et qui me gêne toujours, est la manière dont on la qualifie… de NOIR. Depuis, j’ai pensé à toutes les expressions contenant le mot « noir » dans le langage français et qui signifie un aspect négatif voire très négatif d’une situation. Les voici :

Au noir : travailler et être payé sans déclarer ses activités. Être dans l’illégalité en somme.

Avec des idées ou pensées noires : avoir des pensées négatives

Bête noire de quelqu’un : personne que nous avons en aversion.

Broyer du noir

Caisse noire : réserve d’argent illégale

Être noir : être malchanceux

Film noir : film policier ou d’épouvante. Référence à la violence, au négatif, au mauvais

Humeur noire

Humour noir

Liste noire

Manger son pain noir

Marché noir

Mouton noir

Noircir le tableau

Regard noir

(source pourpre.com)

Cette liste est non exhaustive. Évidemment, je passe les expressions comme « dénigrer quelqu’un » qui est l’équivalent de noircir quelqu’un, ce qui signifie dépeindre la personne de façon négative.

Dans notre imaginaire collectif, la couleur noire est perçue comme étant négative, cachée, inconnue, mauvaise. Ce préjugé influence la perception première que nous avons des choses en noir et des gens qui sont noirs. Cela a une conséquence sur la réaction, les pensées et les actions des personnes. Le choix des mots, pour qualifier quelque chose peut avoir à long terme une incidence sur la vie des gens et même des animaux, je pense notamment au chat noir.

Penser que nous ne pouvons rien faire face au langage commun, aux expressions communes est, selon moi, faire preuve de paresse. Il a fallu un homme ou une femme pour créer une expression et toute une communauté pour le ou la suivre. Pensez à Nabila et à son « non mais, allô ». Il suffira donc d’un homme, d’une femme ou d’un enfant, pour choisir les bons mots pour qualifier une situation et toute une communauté pour le ou la suivre. Croyez-moi ce n’est pas si compliqué. Voyez :

Travailler au noir – Travail illégal

Avec des idées ou pensées noires – Avoir des pensées négatives

Bête noire de quelqu’un – Quelqu’un qu’on déteste (l’utilisation du mot bête, fait aussi référence aux animaux comme étant inférieurs aux humains, ce qui de mon point de vue est faux très présomptueux)

Broyer du noir – Broyer du négatif ou Être pessimiste

Caisse noire – Argent illégale

Être noir – Être malchanceux

Film noir – Film policier ou d’épouvante ou violent

Humeur noire – Mélancholie

Humour noir – mauvais humour

Etc.

On dit qu’il faut 21 jours pour changer ses habitudes. Qu’est-ce que 21 jours sur toute une vie ? Pas grand-chose, surtout lorsqu’on a bien vécu. Imaginer à l’échelle de toute l’humanité !

Nous avons tous une responsabilité dans la manière dont les situations sont perçues, et conséquemment dans la manière dont les gens sont perçus et se perçoivent eux-même aussi, car nous choisissons nos mots pour exprimer un jugement de valeur alors que nous disposons d’un large vocabulaire pour dire la même chose.

Il n’est pas tolérable d’observer que des petites filles ou petits garçons noirs intègrent dans leurs subconscients que le noir est mauvais, sale, criminel, violent ou méchant (test des poupées initié par Kenneth et Mamie Clark dans les années 40 et dont les résultats d’aujourd’hui sont similaires aux premiers résultats). Il n’est pas tolérable que des enfants noirs, refusent de s’identifier comme noirs dans les livres parce qu’il s’agit d’une couleur qui dévalorise et qui est sujette aux moqueries. Il n’est plus tolérable que les enfants qui deviennent des adultes aient ce sentiment de honte qui devient à la longue de la détestation de soi, pour quelque chose qu’ils n’ont pas choisi et dont on dit que c’est la couleur de la lie de l’humanité. Tout commence avec des mots, ceux qu’on choisit pour dire ce qui est bon et ce qui ne l’est pas. Ce qui est validé, de ce qui ne l’est pas. Ce qui est dans la norme, de ce qui est marginal. Toute construction identitaire et sociale, commence par le regard de l’autre. Et le regard de l’autre est forgé par des mots.

Beaucoup pensent que leur action, étant toute petite, ne servira pas à grand-chose. Bien que nous ne sommes qu’un grain de sable dans ce grand désert qu’est l’humanité, notre action, aussi petite soit-elle, peut avoir une portée plus grande que nous le pensons. Notre manière de s’exprimer, peut à long terme changer notre façon de penser, notre façon de penser peut à long terme influencer nos perceptions, le changement de nos perceptions transforme la nature de nos actions, la nature de nos actions peut amener les autres à se questionner sur leurs propres actions, perceptions, pensées et expressions. Nous avons tous le pouvoir de faire évoluer les choses, et ce, de manière positive. Cessons d’utiliser la couleur pour apporter une valeur morale à quoi que ce soit. Utilisons les couleurs, pour ce qu’elles sont : juste des couleurs. 

Enfin, ce dernier paragraphe est réservé aux personnes noires qui pensent que le noir est forcément négatif et mauvais et qui se voient de manière inconsciente comme négatif, laid, naturellement mauvais par rapport aux autres. Laissez-moi vous parler de la manière dont je vois le noir. Sans verser dans la niaiserie, je vois le noir comme une couleur aussi belle que les autres. Lorsqu’on observe les éléments naturels que nous avons à disposition :

La matière qui fait pousser toutes choses en ce monde, qui apportent les nutriments dont les plantes, les fleurs, les arbres, les légumes et les fruits ont besoin, qui grâce à cela, nourrit tous les êtres vivants, est la terre. Et la terre est noire.

Les troncs d’arbre, sur lesquels les gens peuvent s’adosser, trouver du réconfort et se recharger en énergie sont pour la plupart noirs.

Les pierres qui ont la réputation de protéger, d’apporter de l’ancrage, d’absorber les énergies négatives. Elles sont toutes noires.

Le noir a aussi une portée positive dans la symbolique. Dans le monde arabo-musulman, le noir représentait la beauté, la puissance, la connaissance (spécifié avec l’encre noir) et le prestige. Dans l’Antiquité, le noir « kem » signifiait complet, parfait, mener à bien, s’élever, accomplir. En Chine antique associait la couleur noire à l’élément eau, qui dans la symbolique chinoise et indienne incarne la cohésion et l’adaptation.

Lorsque le temps est gris ou noir comme on dit, moi je vois juste un temps qui signifie que la pluie arrive et que cette eau nettoie tout ce qui passe sur son passage. Quand tout s’arrête, tout est purifié et c’est comme si nous partions sur de nouvelles bases.

Le noir est pour moi, l’ancrage, l’enracinement, la protection, le nourricier, la purification à un autre niveau, il est surtout le soutien. On a tendance à le contraster avec les autres couleurs pour le placer en opposition. Selon moi, c’est une erreur. Le noir, par son support, magnifie les autres couleurs, non pas parce qu’elle est laide mais parce qu’elle irradie sa beauté sur les autres. Son pouvoir est d’élever, de rendre prestigieux et de renforcer un sentiment positif.

C’est ici, que je termine cette publication, d’abord en colère et finalement plutôt sereine. Je crois profondément que si chacun choisit ses mots sans utiliser les couleurs comme jugement de valeur, le monde à très long terme, certes, se porterait mieux et aurait une appréciation plus positive de lui-même.En illustration, un magnifique chaton noir qui loin de porter malheur, est, j'en suis persuadée, plein d'amour comme tous les chats (en plus de toutes les autres caractéristiques). En illustration, un magnifique chaton noir qui loin de porter malheur, est, j’en suis persuadée, plein d’amour comme tous les chats (en plus de toutes les autres caractéristiques).

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