Attila Piroth Théâtre le Levain Bègles

 « Les révolutions peuvent commencer – et ont souvent commencé – par la lecture », dit l’écrivaine indienne Arundhati Roy . Et les prises de conscience individuelles peuvent commencer dans des endroits publics et collectifs : les bibliothèques.

Une bibliothèque qui évolue en continu est nécessaire pour accompagner l’évolution de la pensé. Cette évolution nécessite un désherbage – ce qui est un moment fort pour la bibliothèque et un moment de bonheur pour les lecteurs. Ils et elles peuvent acquérir des œuvres pour un prix symbolique.

En revanche, ensemble, ces prix symboliques donnent une somme importante. Et cette année, la ville de Bègles a décidé de dédier cette somme à Bienvenue – Mobilisation pour les réfugiés. Donc, le désherbage ne contribue pas seulement au bonheur individuel des lecteurs, mais aussi à une action solidaire. Arundhati Roy aimerait cette action. Et nous, habitants de Bègles, nous pouvons être fiers.

Le Théâtre le Levain à #Bègles fait partie du collectif Bienvenue, mobilisation pour les réfugiés depuis sa création en 2017. Car nous sommes convaincus que l’art peut créer et renforcer la solidarité, et que la solidarité peut changer le monde.

Change ton monde – c’est le titre du livre de Cédric Herrou, parrain de Bienvenue. Notre « lieu artistique et cosmopolite de proximité », ainsi que des autres lieux participant à Bienvenue, œuvre pour que chacun et chacune pousse ou démonte les murs autour de « son monde ».

Regardons : il y a des murs, des barbelés qui ont poussé ces dernières années aux frontières extérieures de l’Union Européenne, commençant par la Hongrie en 2015. Et regardons la Méditerranée, la frontière la plus mortifère du monde. Devrions-nous accepter cela ou devrions-nous œuvrer pour changer le monde qui le permet ?

Nous sommes nombreux à le dire : il faut agir individuellement, collectivement et politiquement. Et quand nous sommes nombreux, quand les petits actes de chacun sont multipliés par des milliers, des millions de personnes, ils peuvent transformer le monde.

C’est ce désir de transformation qui réunit les participants de Bienvenue. Mettre les convictions individuelles dans un grand pot commun et les rendre bien visibles à travers l’art. Et la magie de ce pot commun c’est qu’il attire d’autres gens, qui veulent aussi y participer – et le pot commence à grandir.

Ce pot commun, cette marmite solidaire nous permet de participer aux missions de SOS Méditerranée. Dès le début, l’argent récolté par Bienvenue fut destiné au bateau de recherche et sauvetage Aquarius, qui naviguait sur la Méditerranée pour sauver les naufragées car les garde-côtes refusaient – et continuent de refuser – de le faire. L’#Aquarius coutait 11 000 euros par jour. Aujourd’hui, le coût d’une journée de navigation du nouveau navire, l’#OceanViking, plus grand que l’Aquarius, s’élève à 14 000 euros.

Je me souviens d’un spectacle au Levain, dans l’édition 2018 de Bienvenue : Le frichti de Fatou par Faiza Kaddour et Agnès Doherty. Notre petite salle de spectacle était comble, 70 personnes ont regardé Faiza et Agnès, émerveillés. Ce soir-là, nous avons récolté plus de 700 euros – ce qui a pu financer l’Aquarius pour la durée du spectacle.

Faire de l’art peut sauver les vies. Et faire de l’art est un engagement politique.

Bienvenue, cette initiative collective citoyenne — qui reste néanmoins indépendante — est maintenant accompagnée par la politique institutionnelle. Après l’édition de 2019, la région Nouvelle Aquitaine a décidé de soutenir SOS Méditerranée, à la hauteur de 50 000 euros. Cette année, les villes de Bègles, de Bordeaux et de Floirac ont aussi décidé de porter soutien directement à SOS Méditerranée. L’action de désherbage de la bibliothèque s’inscrit dans cet engagement de la collectivité.

Nous, les habitants de Bègles, nous pouvons en être fiers. Puis, avec cette fierté, nous pouvons, nous devrons continuer de lutter. Car ne pas laisser des gens mourir ne suffit pas. Il reste beaucoup à faire pour un accueil digne.

Il n’y a pas de dignité sans indignation. Et la voix d’indignation devrait être portée haut et fort. L’art, qui assume son rôle politique, sert à ça. C’est pourquoi pour changer le monde nous avons besoin des artistes et des lieux artistiques. Et les collectifs où ils réunissent, comme Bienvenue. Et des actions politiques qui les soutiennent.

Merci.”

Attila Piròth

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