Ce soir, jeudi 23 septembre (je prends date), aura lieu sur une chaîne d’informations continues un débat entre Jean-Luc Mélenchon et Éric Zemmour. Entre l’auto-proclamé et ego-centré tribun du peuple et le plumitif fasciste en pleine tournée promotionnelle pour son paquet de torche-cul (les gentils médias appellent ça un livre). Chacun de ces deux bouffons, l’un pathétique à force de rodomontades, l’autre sinistre par l’air tranquille et résolu avec lequel il s’efforce de décomplexer l’extrême-droite et de désinhiber les pulsions fascisantes qui frémissent dans une partie grandissante de l’opinion publique, chacun de ces lamentables bateleurs, donc, croit qu’il profitera de l’autre pour faire valoir ses idées. On dit qu’on peut manger avec le diable mais avec une longue cuillère. Ce soir, Mélenchon, qui cherche à faire parler de lui par sa rencontre avec l’autre, à monter peut-être qu’il est le seul à pouvoir affronter la Bête immonde, va en réalité servir la soupe à son interlocuteur : il le légitime, de facto, dans la posture de porteur de propositions, de candidat aux présidentielles. Il participe à la promotion des idées de son adversaire, à un moment où le questionnement politique tourne autour des propos de Zemmour, pendant que Le Pen se tient prudemment et tactiquement en retrait, les idées qu’elle préfère taire faisant leur chemin dans les médias complaisants et dans le pays.Mélenchon croit incarner l’homme providentiel qui sauvera le pays et le conduira vers un avenir radieux. Le candidat brillant et enthousiasmant de 2012 s’est mué en Matamore aux envolées ampoulées et narcissiques, caricature de ce qu’il fut et ne sera plus jamais. Conduire. Je renvoie aux traductions et équivalences du mot conducteur que l’Histoire a déjà produits. Mélenchon, malgré sa culture et son intelligence (on peut au moins lui faire crédit de cela, quand on voit la mare de médiocrité où patouille le personnel politique) semble n’avoir pas bien assimilé les leçons du passé, ni regardé en face les régimes autoritaires vers lesquels il penche souvent.Ce qui est terrifiant en ce moment c’est qu’à gauche on débat avec l’adversaire quand on refuse de discuter avec les partenaires. Chacun dans son trou, on se présente comme le seul capable d’en remontrer à la droite dure ou extrême (aucun autre adjectif disponible). L’autre jour à la fête de l’Huma, Fabien Roussel discutait avec Valérie Pécresse. Lui aussi, il est le seul à…, le meilleur pour… Affligeant.Résultat ? Ces tristes clowns, au lieu de se parler et de s’entendre sur ce qu’il conviendrait de faire (avec d’autres à gauche), servent de faire-valoir à la droite dans toutes ses expressions.Mais ce soir, Mélenchon se vautrera dans une fange dont il portera longtemps la puanteur.
Hervé Le Corre