Affaire Testa suite où il s’avère qu’il faut quelquefois tourner sa langue plus de 7 fois dans sa bouche avant d’affirmer le caractère raciste d’un geste et de crier au loup. Seul le représentant de la mairie a su subodorer un acte maladroit et artistique et partant faire preuve de prudence dans ses propos. Quant à Karfa Diallo, il serait bien inspiré de retirer sa plainte qui ne semble plus avoir d’objet. (La rédaction d’Ancrage)
L’étudiant de l’école des Beaux-Arts de Bordeaux affirme mener un travail sur « l’héritage colonial et esclavagiste » de la ville. Il a voulu reproduire le buste de la statue de l’esclave Modeste Testas pour « la rendre plus visible ». Découvert lundi matin, son moulage avait été considéré comme une dégradation à caractère raciste et soulevé de nombreuses réactions d’indignation.
« Au moment où je suis revenu récupérer mon moulage, j’ai vu plein de monde, des caméras, la télé… » La suite, ce jeune étudiant des Beaux-Arts de Bordeaux, qui préfère garder l’anonymat, la découvre dans la presse qui relate le vandalisme de la statue de l’esclave Modeste Testas. Dépassé par le buzz, « un peu perdu », il se confie à Rue89 Bordeaux ce mardi matin :
« C’est un projet sur l’héritage colonial et esclavagiste de Bordeaux que j’avais préparé et que je devais réaliser dans le cadre d’une résidence. Celle-ci n’a pas eu lieu et mon projet était prêt. Je me suis dit que j’allais tout de même le réaliser de mon côté. »
« C’est loin d’être raciste »
Dans la nuit de dimanche à lundi 13 septembre, le jeune étudiant est accompagné de ses amis pour travailler méticuleusement sur le moulage de la statue de Modeste Testas, quai Louis-XVIII à Bordeaux. Problème : il n’a pas prévenu la mairie, ni l’artiste, ni son école. Il assure cependant avoir pris toutes les précautions pour réaliser son moulage avec des bandelettes et du plâtre préparé à l’avance.
Le jeune homme, « descendant d’une famille de colonisés » selon ses propres dires, explique :
« Mon projet devait soulever les questions d’héritage de la ville de Bordeaux. Cette statue était le seul symbole visible, et en plus, qui n’est pas du tout mis en valeur. Je rejoins Karfa Dialo [président de Mémoires et Partages, NDLR] quand il dit qu’elle est mal présentée, avec une plaque discrète au sol. Je voulais la répliquer et la multiplier, pour la faire mieux exister et travailler à partir de cette histoire. Je travaille beaucoup avec de petites histoires avec un petit “h“ pour écrire l’Histoire avec un grand “H“. Surtout cette histoire qui touche directement ma famille. En tout cas, c’est loin d’être raciste comme geste. »
Selon nos informations, la mairie a été prévenue de la maladresse de l’étudiant et pourrait retirer sa plainte, ce qu’elle a depuis confirmé par communiqué. Une autre plainte avait cependant été déposée par l’association Mémoires et Partages, qui a en revanche pris une autre décision :
« Mémoires et Partages maintient, quant à elle, sa plainte contre l’auteur de cette dégradation car nous sommes là en présence d’un délit, malgré le caractère « artistique» avancé par l’auteur mais aussi parce qu’il est important de comprendre les motivations de l’acte. »
Interrogations et réactions
Cet événement avait suscité une vague d’indignations, mais également d’interrogations. Stéphane Gomot, conseiller municipal délégué au patrimoine et à la mémoire, avait émis des réserves sur « l’intention [qui] pourrait être soit de réaliser un moulage sauvage pour reproduire le buste à peu de frais, soit un acte malveillant ». Si le vandalisme avait été confirmé, « ce serait alors une atteinte à la mémoire de l’esclavage et de ses victimes, et un acte doublement raciste et misogyne », avait ajouté l’élu de la majorité bordelaise.
« Mais quelle horreur ! Le signe d’un racisme le plus vil ! » avait écrit sur sa page Facebook, Marik Fetouh, ancien adjoint en charge de l’égalité et de la citoyenneté dans l’équipe municipale d’Alain Juppé, qui avait œuvré pour la mise en place de la statue en 2019 « pour rendre hommage à toutes les personnes ayant subi l’esclavage ».
De son côté, la fondation pour la Mémoire de l’Esclavage avait également publié un communiqué où on pouvait lire : « il est insupportable de voir ce symbole de mémoire et de fraternité souillé par un acte dont la forme laisse deviner l’intention raciste et révisionniste. La FME espère que les auteurs de cette dégradation seront rapidement identifiés et punis comme il se doit ». Ironie du sort, la résidence artistique annulée de cet étudiant des Beaux-Arts de Bordeaux était, selon ses affirmations, en partie financée par cette fondation.