La Tarn-et-Garonnaise Pauline Vialaret a fondé il y a moins de deux ans Terre 2 Cultures, organisme qui met en relation des réfugiés, notamment Afghans, avec des agriculteurs en manque de main-d’œuvre. Avec une vraie volonté de réinsertion.
Le monde de l’agriculture, Pauline Vialaret connaît. Fille d’un cultivateur de tabac à Gasques, la jeune femme n’a pas marché dans les pas de son père, mais elle s’est servie du lien qui l’unissait à la terre pour mettre à profit sa propre vocation : venir en aide aux personnes en difficulté. En 2019, alors qu’elle est travailleuse sociale sur Paris depuis plusieurs années, elle fait la rencontre de Laludin, réfugié afghan reconverti en traducteur et agent d’accueil. Ils observent un phénomène : “Le pays est en proie à une sécheresse et une économie délabrée, alors qu’une grande partie de la population afghane est dans l’agriculture. Nous, on voyait de jeunes réfugiés venant d’endroits reculés qui ne sont pas instruits mais qui ont une connaissance de l’agriculture, un savoir-faire et une volonté de vivre à la campagne”.
Les réinsérer dans la réalité
De l’autre côté, ils voient des agriculteurs avoir de plus en plus de mal à trouver des travailleurs. L’idée leur vient alors de fonder Terre 2 Cultures : “Je ne supportais plus de voir des grosses structures faire de l’humanitaire et plus du tout de l’accompagnement. Certains ont fait plusieurs années dans des foyers où on leur faisait le ménage, on leur donnait presque la becquée, on ne trouvait pas ça productif” relate la Gasquaise. En plus de mettre en relation agriculteurs et réfugiés, Terre 2 Culture accompagne ces jeunes hommes dans l’apprentissage de la vie en société : “Certains n’ont jamais eu un téléphone ou tenu un stylo, il faut aussi éduquer ces personnes. Comment le monde fonctionne, comment la société marche, on leur apprend comment gérer leur argent, payer un loyer, c’est quoi un contrat de travail, on leur fait des cours de Français et on les aide à comprendre les démarches administratives. Il y a également toute cette dimension culturelle comme travailler avec des femmes, aller au restaurant ou à la plage, bref nous voulons les remettre dans la réalité. Notre but c’est qu’ils soient à l’aise avec le monde qui les entoure” résume-t-elle.
Dans le Tarn-et-Garonne, Terre 2 Cultures est en lien avec cinq productions de pommes et de légumes, “les retours sont positifs des deux côtés, se félicite Pauline Vialaret, on a une agricultrice qui en avait pris que deux la première année et qui aujourd’hui en a 15”. Une collaboration qui marche et un calme retrouvé pour ces réfugiés “Ils n’ont plus à s’inquiéter de s’ils pourront manger ou dormir sous un toit. Aujourd’hui ils travaillent, payent leurs impôts et participent à la vie locale”.
Avec les récents événements en Afghanistan, la Tarn-et-Garonnaise découvre une nouvelle vertu de son association : “Les bienfaits sur la santé mentale. Il y a 2 semaines par exemple, l’un d’entre eux a perdu sa sœur dans une explosion au pays, je lui ai dit qu’il pouvait se prendre une semaine pour digérer la chose et il m’a répondu que non, il voulait travailler pour ne pas y penser. Le fait de les occuper, de leur faire se sentir utile, ça les aide à penser à autre chose”.
“Des salariés comme les autres”
Yvon Sarraute, producteur de pommes du Gaec des Herbonnes à Meauzac, a été l’un des premiers à avoir accueilli des réfugiés afghans via Terre 2 Cultures. “Depuis le début, j’en ai fait travailler une quarantaine sur la récolte et la taille des pommes”. Alors que dans le Tarn-et-Garonne, les producteurs ont “des soucis pour recruter”, Terre 2 Cultures l’a accompagné dans le recrutement de ces réfugiés : “Avant de venir travailler, ils ont eu une formati0n en Français, et sur place même s’ils ont déjà des connaissances en agriculture on les forme spécifiquement sur la cueillette des pommes, le bon calibre, la bonne coloration, une fois qu’ils ont compris, ils deviennent des salariés comme les autres” confie-t-il posément. Des travailleurs concentrés, “peu bavards sur leur passé”, qui ne lui ont jamais posé problème.
Satisfait, il n’a qu’une seule contrainte : “Il faut qu’on développe encore plus de logements pour les accueillir”, preuve d’une volonté affirmée de poursuivre la collaboration avec Terre 2 Cultures : “Je pense que nous faisons une bonne action, c’est une occasion pour eux de se réinsérer, un premier pas vers leur intégration dans la société française”. Actuellement, huit réfugiés afghans travaillent sur son exploitation.
Mathieu Sanchez