Dans l’entretien avec Le Monde, Achille Mbembe semble oublier ce que lui-même a appelé le brutalisme et la nécro politique. La question cruciale est: quelles pourraient être les justes réparations et pardons que les Etats coloniaux devraient assumer face aux populations victimes de leur colonisation et face aux Etats des pays ex-colonies sans l’abolition du néocolonialisme?
· Dans l’entretien avec Le Monde Achille Mbembe adopte des propos disons assez modérés surtout par rapport à ce qu’il a écrit sur le Brutalisme (2020), peut être aussi parce qu’il a accepté d’être nommé par Macron en responsabilité de préparer le sommet Afrique-France prévu en octobre 2021 à Montpellier. Mais la question est plus importante: quelles pourraient être les justes réparations et pardons que les Etats coloniaux devraient assumer face aux populations victimes de leur colonisation et face aux Etats des pays ex-colonies. Donc il y a d’abord deux questions distinctes car il est trompeur de mettre sur le même plan la population et les victimes et les Etats puisqu’il est bien connu que ces derniers peuvent s’arranger en négociant des compensations monétaires et des accords commerciaux. Or, la question fondamentale que malheureusement Mbembe ne pose pas est que le colonialisme n’est pas du tout terminé! On est en plein dans le contexte d’un néo-colonialisme qui est imposé par l’asymétrie gigantesque entre les dominants (non seulement les pays plus riches, mais aussi les groupes financiers et les multinationales) et les dominés. Et on peut constater que ce néocolonialisme est pratiqué non seulement par les ex-pays coloniaux et leurs groupes dominants à l’échelle planétaire, mais aussi par les pays qui n’ont pas été coloniaux (par exemple la Chine, Israël, l’Arabie Saoudite etc.). Voilà donc pourquoi parler simplement de réparation et de mémoire; la dette de vie, de vérité et de mémoire -et cela Mbembe le sait très bien- cette triple dette se reproduit tous les jours à cause du néocolonialisme !!!!
Voilà pourquoi s’il y a quelques possibilités de négocier les réparations et le pardon, c’est tout d’abord pour stopper les pratiques néocoloniales et non seulement par rapport aux génocides et destructions coloniales du passé. Et le nouveau génocide de migrants par la thanatopolitique pratiquée par les pays dominants et notamment par Frontex est sans doute l’un des premiers effets de ce néo-colonialisme.
Encore plus grave est le cas de l’Italie où la question des dévastations et génocides des populations colonisées par ce pays au XIX et pendant le fascisme est très rarement posée et de fait totalement ignorée par la très large majorité de la population, les enseignants et les médias au point que l’un des journalistes encore considéré comme un maestro de ce métier était Montanelli, un ex-militaire colonial qui racontait comme fait absolument normal d’avoir acheté en Éthiopie comme femme «de passage» une jeune fille de 12 ans pour 500 lire ainsi qu’un cheval et un fusil. Mais Berlusconi avait dit que l’Italie avait payé la dette de guerre avec la Lybie lors de son accord avec Kadhafi venu à Rome avec ses tentes et son énorme suite. Entretemps les multinationales italiennes contribuent largement aux désastres environnementaux, économiques et sociaux dans plusieurs pays d’Afrique, d’Asie et d’Amériques Latine (il suffit de songer à l’œuvre de Benetton en Amazonie, de l’ENI en Lybie et ailleurs, des exportations d’armements et de déchets en peu partout et récemment même en Tunisie.)