Selon les associations, trois autres familles, dont les enfants sont scolarisés à Talence, ont besoin d’hébergements d’urgence. Deux d’entre elles ont été expulsées de la Zone Libre de Cenon. Les familles sont accompagnées dans leurs démarches administratives par des associations, comme RESF, l’ATSI, Habitat et Humanisme, le Secours Populaire. Avec les parents d’élèves, ces dernières tirent la sonnette d’alarme sur une solidarité citoyenne qui ne peut se substituer à des solutions d’hébergements durables.
Passer un cap
Zabèle et Azad sont arrivés d’Arménie il y a deux ans, avec leur fils. Ce mercredi en fin de matinée, le couple s’installe autour de la table de la cuisine. Zabèle a préparé des coupes de fruits et un gâteau. Depuis un mois, la famille vit chez Pascale. Ils disposent d’un studio séparé du reste de la maison, habituellement dédié à du locatif. Quand Pascale a été contactée pour héberger la famille, elle n’a pas hésité :
« Pendant deux ans, j’ai accueilli un jeune Syrien de 22 ans. Il a obtenu le statut de réfugié politique. A la rentrée prochaine, il intègre une faculté à Paris. J’ai la chance d’avoir une grande maison, mes enfants sont partis. Des familles vivent dans des conditions déplorables, si je peux les aider à passer un cap, la question ne se pose pas. Je suis contente de les savoir là, au chaud et en sécurité. C’est un échange, ils m’apportent beaucoup. »
Fièrement, Zabèle montre le cahier de français d’Armen, leur fils. En bas des tableaux de conjugaison, la mention « très bien » est inscrite au stylo rouge. La famille est originaire d’Abovyan, au nord-est d’Erevan. Dirigée par le député d’opposition Gagik Tsarukyan, la région est décrite par la famille comme gangrénée par la mafia. Azad, le père, travaillait dans une station essence. Gravement malade, il a quitté l’Arménie pour être soigné en Europe :
« Je suis parti avec ma femme et mon fils. En Arménie, le système de santé est corrompu. Il y a des hôpitaux publics, mais là aussi il faut glisser une enveloppe pour être pris en charge. Je ne pourrais jamais être correctement soigné là-bas. »
Après des mois passés à l’hôtel, la famille a alterné des logements temporaires, entre camping, et même, voiture. Azad est dans l’attente de son renouvellement de titre de séjour pour « étranger malade ». En juin, il a rendez-vous un médecin de l’Office français de l’intégration et de l’immigration (Ofii). A la suite d’un examen médical, un certificat devrait être transmis à la préfecture. Le reste de la famille espère avoir le titre d’accompagnant.
Intégration
Une deuxième famille est arrivée de Géorgie en décembre 2018. Le père, qui a subi une dizaine d’opérations chirurgicales, a besoin de soins. Leurs deux enfants, de 7 et 9 ans, sont scolarisés dans une école talençaise. Ils ont dû quitter le Centre d’accueil de demandeurs d’asile (CADA), après avoir vu leur demande d’asile déboutée. Un recours a été déposé.
Ana* et Giorgi* ont vécu, avec leurs enfants, à la Zone Libre de Cenon, évacuée par la Préfecture en février dernier. Après quelques nuits passées dans une église et à Darwin, des parents d’élèves les ont accueillis. Ana travaillait comme institutrice à Tkibuli, à l’ouest de la Géorgie. Si elle comprend bien le français, elle fait parfois appel à ses enfants, parfaitement bilingues :
« Les enfants ont souffert d’une situation instable. On veut le meilleur pour eux. Ils ne se plaignent pas, mais je vois qu’ils sont perturbés. La plus petite se réveillait souvent la nuit. »
A Talence, le comité de soutien a alerté les élus sur la situation. Monique de Marco, sénatrice de Gironde, a fait parvenir un courrier à la préfecture et au ministère de l’Intérieur, demandant l’étude des dossiers en vue d’une régularisation des familles.
*Les prénoms ont été modifiés