En l’espace de 24 heures, les 17 et 18 mai, près de 8 000 migrants marocains ont franchi la frontière de Ceuta au poste frontière de El Tarajal en passant par la mer pour contourner la jetée qui prolonge dans la mer les grillages de la frontière. Essentiellement des jeunes mais aussi des familles et des enfants se sont jetés à l’eau à partir des plages de Fnideq, à quelques encablures de la frontière, pour rejoindre l’enclave espagnole de Ceuta. C’est un véritable « raz de marée » humain qui a atteint en quelques heures la ville autonome de 80 000 habitants, ville dont les autorités se sont vite trouvés débordées.
Certes l’afflux de migrants aux portes de Ceuta (et aussi de Melilla) n’est pas nouveau et régulièrement les médias se font l’écho des assauts de migrants sur les grillages qui entourent l’enclave. La plupart du temps ce sont des migrants subsahariens mais cette fois ce sont des marocains qui forment l’essentiel de ceux qui tentent de passer illégalement la frontière devant des gardes frontière marocains qui semblent « regarder ailleurs ».
Comment expliquer ce phénomène ?
Les tensions entre le Maroc et l’Espagne se sont accrues durant la dernière année : la frontière a d’abord été fermée unilatéralement par le Maroc dans le but d’éradiquer la contrebande qui prospère autour des enclaves espagnoles mais qui fait vivre aussi toute une population pauvre du nord du Maroc. Des manifestations ont d’ailleurs eu lieu au cours des derniers mois dans la ville marocaine de Fnideq pour protester contre la fermeture de la frontière. L’objectif inavoué des autorités marocaines est aussi « d’asphyxier » l’économie de Ceuta qui vit de ce commerce « atypique »selon l’expression consacrée dans la ville autonome.
Mais les tensions s’expliquent aussi par la question du Sahara Occidental : depuis la reconnaissance de la souveraineté marocaine sur le Sahara Occidental par Donald Trump en décembre dernier, le Maroc fait pression sur l’Espagne pour que l’ancienne puissance coloniale reconnaisse à son tour la souveraineté marocaine sur le Sahara : l’accueil en Espagne du dirigeant sahraoui Brahim Ghali pour être soigné du Covid 19 a été « la goutte d’eau qui a fait déborder le vase »… et il semble bien que le Maroc ait décidé d’utiliser l’arme de l’émigration pour faire pression sur l’Espagne.
Toute la politique étrangère du Maroc est orientée par ses intérêts au Sahara Occidental. Peu importent les sacrifices, même si ils sont supportés par les plus faibles, par ceux dont les préoccupations quotidiennes sont à cent lieues des grands intérêts stratégiques et qui voient simplement que Ceuta est aujourd’hui à portée de leur main pour vivre plus dignement.