Résilience vous avez dit résilience, c’est le mot à la mode, mis à toutes les sauces. Terme d’origine anglaise, prononcer risiliance, issu cependant du latin resilire, rebondir, utilisé d’abord en physique pour définir la propriété d’un matériau de retrouver sa forme après avoir été comprimé, déformé, ainsi la mousse possède une forte résilience mécanique
« L’autre nom, plus chic de l’adaptation et de la flexibilité »
Mais la notion de résilience est aussi beaucoup utilisé en psychologie depuis que le neurologue natif de Bordeaux Boris Cyrulnik l’a popularisé dans de nombreux ouvrages. Alors la résilience renvoie à l’ensemble des processus qui consiste pour un individu à surmonter un traumatisme psychologique afin de se reconstruire. Soit la capacité à vivre, à réussir, à se développer en dépit de l’adversité.
Mais pour Geneviève Azam, économiste membre éminent d’Attac c’est l’indigestion de résilience, titre d’une tribune publiée dans Politis. Geneviève Azam pour qui le discours « positif » de l’adaptation aux catastrophes est du pain bénit pour la science économique, qui promeut le « vivre-avec » et rend invisibles celles et ceux qui sont détruits ou promis à une mort lente. Le chaos climatique (…)met au jour des processus irréversibles, un temps non linéaire, fracturé. Avec la résilience, tout devient à nouveau réversible : l’économie peut rebondir et croître à l’infini. Du mal naîtra le bien, de la même manière que du calcul individuel égoïste naît le bien-être collectif dans un jeu gagnant-gagnant. Malheur aux vaincus.(…). Adoptons tous des comportements individuels résilients au lieu de sombrer dans le tragique, fabriqué par des écologistes et des scientifiques épris de complexité et ignorant les lois simples de l’économie. Annexons et simplifions la psychologie de Boris Cyrulnik quand elle étudie la résilience comme capacité à survivre à un choc traumatique. Faisons de la résilience l’autre nom, plus chic, de l’adaptation et de la flexibilité » L’économiste d’Attac conclue ainsi « Le discours « positif » de la résilience, appliqué aux sociétés et aux milieux de vie, en l’occurrence à des sociétés meurtries et à des milieux détruits ou dégradés, désarme au lieu d’ouvrir l’espoir »
En écho, une autre femme, Evelyne Pieiller journaliste au Monde diplomatique écrit en titre d’un long papier : résilience partout ,résistance nulle part. Et précise dans le chapeau : « Jusqu’où aller dans la mise en œuvre de nouvelles contraintes, et comment y aller ? Comment faire pour qu’elles apparaissent justifiées, voire bénéfiques, pour s’assurer de leur acceptabilité sociale ? Le recours aux sciences cognitives permet d’armer dans ce but les politiques publiques et de contribuer à un modelage de nos comportements ; ce qu’illustre la valorisation de la « résilience ».
Nudge unit, coup de pouce
Résilience partout donc et en particulier nous rappelle la consœur à l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ quand il propose en mars 2020 « la résilience comme axe de communication de crise ». Un contrat est alors passée avec BVA une société d’études et de conseil, experte en sciences comportementales, chargée de conseiller le gouvernement dans sa gestion de la pandémie. En clair, fabriquer du consentement avec des techniques de suggestion indirecte chargées d’influencer, sans contrainte, les motivations et la prise de décision, de nous extraire en douceur de notre irrationalité spontanée, obstacle naturel à l’adoption de la « bonne pratique », en l’occurrence… de la résilience (4). Nous actionnons les “facteurs de changement” qui façonnent les comportements. » précise BVA sur son site. On appelle ça le nudge unit, le coup de pouce. Et Evelyne Pieiller de citer Ismaël Emilien ex conseiller du président Macron qui a fait recruter la filiale de BVA : « On fait juste en sorte que la personne regarde dans la bonne direction. C’est complètement indissociable de l’intérêt général » Ben voyons !!mon colon, Je veux voir qu’une tête !!A lire donc dans Politis du 7 avril et le Monde diplo de mai…
Jean-François Meekel
Texte diffusé vendredi 7 mai dans la revue de presse RIG (90.1)