Le Centre de Rétention Administrative de Bordeaux est une véritable prison pour étrangers incarcérés au sous sol de l’hôtel de police, avec des conditions infernales qui ont menées à la mort d’un détenu et suscité la colère d’une dizaine d’autres. Ils manifestent par une grève de la faim qui en est à son cinquième jour pour contester les conditions de détention et défendre leurs droits bafoués par l’État français.
En France, les Centres de Rétention Administrative (CRA) sont des institutions de l’État où sont placés les étrangers en situation d’OQTF (Obligation de Quitter le Territoire Français) le temps du traitement de leur dossier d’expulsion par la Préfecture. Ces institutions pénitentiaires reflètent le mépris raciste de la Vème République pour les étrangers que l’État enferme dans des locaux insalubres qui exposent en particulier les détenus aux dangers du covid. Un cluster s’était effectivement formé en novembre.
Au CRA de Bordeaux, qui se trouve dans les sous-sols de l’Hôtel de Police, un détenu est mort de ces conditions inhumaines il y a environ un mois – il se serait suicidé selon ses co-détenus. Les OQTF détenus se sont alors organisés pour exprimer leur colère face aux conditions qui leurs sont réservées, étant ce samedi à leur 5ème jour de grève de la faim. Dans leur communiqué, relayé par Toulouse Anti CRA ils dénoncent :
« Nous on fait la grève de la faim depuis 3 jours parce qu’on en a marre, c’est trop dur ici, c’est raciste, si on a besoin de voir un médecin à 8h, ou minuit, on peut pas jusqu’à 11h, y’a pas de médecin, si quelque chose se passe, on a rien.
On demande de passer ici parce que quelqu’un est mort. C’est même pas un centre de rétention ici. C’est trop dur, on dort pas, on mange pas bien, on prend pas bien les médicaments, il y a tous les jours quelque chose qui se passe ici.
Les policiers ils s’en foutent si on mange on mange pas, ça fait 35 jours je dors pas parce que j’ai pas l’injection pour dormir ici, l’injection de Subutex, ils le donnent pas. Le médecin refuse, il donne des cachets que je connais pas, on est mal ! »
Concernant les soins des étrangers détenus dans les Centres de Rétention Administrative, ils sont assurés par une unité médicale composée d’infirmiers et de médecins qui ne sont pas toujours sur place et effectuent seulement quelques visites ponctuelles par semaine. Par conséquent les détenus n’ont pas forcément accès aux soins et aux médicaments dont ils ont besoin ; de plus ce qui relève de la médecine spécialisée et notamment la psychiatrie n’est pas pris en charge par le CRA, les détenus doivent obtenir des consultations à l’extérieur. Mais ce cas est problématique car les détenus n’ont aucune assurance de soins psychiatriques et quand ils obtiennent une consultation, ils sont alors dépendants des agents pénitenciers qui doivent nécessairement les emmener jusqu’au praticien – sans quoi ils ne peuvent pas se rendre à leur rendez-vous. Bien évidemment, dans de telles conditions il est impossible pour les détenus de se maintenir en bonne santé physique et mentale, d’autant plus dans de petites cellules qui ne sont jamais éclairées par la lumière du jour mais uniquement par les néons…
Pour donner une idée de la situation dramatique et cruelle dans laquelle se trouvent les étrangers détenus dans les CRA, ce témoignage d’un OQTF qui sortait tout juste du CRA en janvier avance plusieurs éléments :
À tout cela s’ajoutent les pratiques scandaleuses du CRA de Bordeaux et de la Préfecture qui enferme par exemple des nourrissons, comme le rapporte Rue 89, enferme illégalement des Mineurs Non Accompagnés (MNA) sans reconnaître leur statut et sépare des familles – le CRA de Bordeaux accueille uniquement des hommes – comme pour Rolandi, expulsé du territoire par décision de la Préfecture. Le témoignage de Hasni Gharbi, un algérien de 28 ans contacté par Rue 89, relève aussi ces problématiques que vivent les étrangers au CRA : « Les frontières avec l’Algérie sont fermées, je ne comprends pas ce que je fais ici. Ils me disent que je vais prendre un avion demain vers 4h du matin. Je ne veux pas rentrer, j’ai ma compagne et ma vie ici ».
Pourtant le gouvernement continue toujours de durcir sa politique de détention, prolongeant leur durée de 45 à 90 jours au travers de la Loi Immigration en 2018. Dans son Rapport National sur les centres et locaux de rétention, La Cimade déclare que « pour remplir les objectifs de sa politique d’expulsion aveugle, l’administration a déployé des techniques déloyales et illégales ». En effet, l’Etat et ses institutions préfectorales ont considérablement augmenté le nombre d’incarcérations depuis plusieurs années, nécessitant par conséquent de traiter plus de dossiers d’expulsion : 130 personnes enfermées au CRA de Bordeaux en 2011, 257 en 2016, 445 en 2018 ; dans la continuité des chiffres nationaux en 2019 où 53 000 personnes ont été incarcérées, c’est à dire 23% de plus qu’en 2018.
On constate déjà la forte proportion de migrants algériens, marocains ou encore guinéens enfermés dans les CRA, reflétant le racisme structurel de l’État français qui sous-exploite les travailleurs étrangers comme héritage de son passé colonial dans les régions du Maghreb et d’Afrique de l’ouest. Ces travailleurs étrangers arrivent en Europe dans des conditions déjà infernales pour traverser les frontières auxquelles en plus les forces de répression ont été renforcées, notamment par l’Etat français. Ce renforcement du contrôle aux frontières de l’UE est tout d’abord l’oeuvre d’une politique nationaliste réactionnaire que le gouvernement profite de faire passer en instrumentalisant le contexte de crise sanitaire ; mais il est aussi par conséquent l’une des raisons de la colère des détenus en grève de la faim au CRA. Parmi tous les détenus, certains veulent effectivement retourner dans leur pays auprès de leur famille, d’autres veulent rester en France mais sont toujours en Obligation de Quitter le Territoire Français : or la fermeture des frontières extérieures à l’UE étant renforcée à cause du covid, l’Etat rallonge le temps de détention des étrangers dans les Centres afin de les expulser quand cela sera possible.
Ainsi, afin de maintenir la tension des expulsions qui augmentent en flèche, le gouvernement annonçait en 2019 la construction d’un nouveau centre de 140 places en 2022. Mais bien au contraire de construire de nouveaux Centres, nous exigeons la libération de tous les détenus et la fermeture immédiate de ces prisons pour étrangers : en plus de fermer tous les CRA, nous exigeons l’ouverture des frontières et la régularisation immédiate de tous les sans-papiers qui permettrait la libre circulation des tous et toutes sur le territoire français et européen !