Lettre ouverte pour que les élèves français puissent toujours étudier l’italien à l’école
FNAI a lancé cette pétition adressée à Emmanuel Macron, Président de la République française et à 5 autres
Pour le respect de la diversité des langues enseignées en France. Des moyens conséquents pour l’italien dès la rentrée 2021
Pétition lancée par la FNAI et le SIES
Fédération Nationale des Associations d’Italianistes
Société des Italianistes de l’Enseignement Supérieur
Objet :
Pour le respect de la diversité des langues vivantes enseignées en France
Pour que le Ministère de l’Education Nationale soutienne de façon équitable toutes les langues enseignées de l’école à l’université
Pour que des moyens spécifiques soient attribués pour venir en aide à l’enseignement de l’italien, dès la rentrée 2021
Nous sommes parents, enseignants, étudiants, associations franco-italiennes, tous autant soucieux les uns que les autres des bonnes relations entre la France et l’Italie et de leur avenir.
Face aux coupes sombres dans les moyens attribués aux établissements scolaires, l’enseignement de l’italien se voit aujourd’hui l’un des plus impactés. Et cela de la façon suivante :
-L’autonomie donnée aux établissements et les décisions prises en Conseil Pédagogique poussent les professeurs des matières enseignées en classes de 36 élèves à vouloir sacrifier les disciplines qui s’adressent souvent à des groupes de moins de 36 élèves. Afin que certaines matières obtiennent des heures dédoublées – soit 2 groupes de 18 élèves – on supprime de plus en plus souvent les matières optionnelles. L’ambiance générée par cette situation est délétère. Le Ministère jette les enseignants dans l’arène et le plus fort – le plus « reconnu » – vaincra. Dans les lycées et les collèges, la diminution systématique de la dotation horaire crée des situations intenables pour les proviseurs qui se voient obligés de couper leur offre pour ne concentrer les moyens alloués que sur les enseignements « principaux », plus stratégiques aux yeux des élèves et des familles, au détriment des enseignements devenus “non rentables” à cause de la réforme. L’italien se trouve en tête de ces enseignements, mais ce n’est pas la seule discipline. Les proviseurs et principaux se voient réduits à un rôle de comptables qui doivent choisir les enseignements les plus « rémunérateurs », ceux qui accueillent le plus d’élèves par euro dépensé. Pour toutes ces raisons, la discipline « italien » est la première visée par ces suppressions.
-Les emplois du temps, extrêmement complexes, induits par la réforme des lycées, avec la création des trois spécialités en Première et des deux spécialités en Terminale conduisent inévitablement les chefs d’établissements à vouloir simplifier la situation en supprimant ce qui peut être supprimable, à savoir les options telles que la LVC (très majoritaire pour l’italien.)
-Pour finir d’écraser l’enseignement de l’italien, le Ministère, de façon tout à fait inéquitable, a fait le choix de promouvoir d’autres langues vivantes, et cela à grande échelle, en particulier au moyen d’une vidéo de promotion de l’allemand créée par Messieurs les Ministres Laschet et Blanquer, ou encore par la médiatisation de la présence du Président de la République lors du sommet franco-espagnol de Montauban.
Monsieur le Président,
L’enseignement de l’italien a le droit d’exister autant que celui de l’anglais, de l’allemand ou de l’espagnol.
Dans le cadre de l’autonomie des établissements et de la réforme du lycée, nous vous demandons avec insistance de bien vouloir faire respecter le droit de choisir pour les élèves en protégeant, par des directives claires, l’enseignement de l’italien en France, même si les classes ne sont pas toujours de 36. Nous vous demandons de faire respecter l’horaire légal en évitant que les chefs d’établissements ne regroupent des élèves de Première avec des élèves de Terminale, des élèves de LVB avec des LVC débutants… ce qui mène à un enseignement extrêmement difficile à mettre en œuvre et à un découragement des élèves.
Nous vous demandons de ne pas mettre les enseignants d’italien ainsi que leurs élèves dans une situation forcément conflictuelle avec les enseignants des autres options et leurs élèves, ce qui conduit à des difficultés personnelles des professeurs –pourtant solides ! – à des burn out, des dépressions, à des risques importants liés à la fatigue quand les enseignants interviennent sur 3 ou 4 établissements distants, et ce qui conduit les élèves concernés à éprouver un sentiment de grande injustice.
Nous vous demandons de façon urgente de donner à la LVC une valeur qui lui revient. Son coefficient par rapport à la masse des coefficients du Baccalauréat doit peser car les élèves ont 3h de cours par semaine de la Seconde à la Terminale, heures placées souvent en dehors des horaires habituels (soit tard le soir, le mercredi après-midi, le samedi matin…). Dans la réforme du Baccalauréat telle qu’elle est conçue, la LVC a un poids bien insuffisant (environ 1% de la note finale) et nos élèves, pourtant très motivés, se découragent au vu d’un coefficient aussi faible en regard d’un investissement aussi important de leur part.
Nous vous demandons que l’italien soit enseigné dans tous les départements de France en LVB au moins. Il existe encore aujourd’hui des départements où l’italien n’a été ouvert dans aucun collège. Il existe des départements où l’italien a été fermé en raison d’une politique forte de valorisation de l’allemand. Il existe une région – où vit un grand nombre de descendants d’Italiens – et dans laquelle l’italien risque de ne plus jamais être enseigné. Alors, comment nos jeunes élèves pourraient-ils le choisir ? Ces élèves doivent souvent attendre d’entrer à l’Université pour pouvoir étudier l’italien (dans certaines Universités, ils sont plus de 1000 à l’étudier en non spécialistes, en débutants car ils n’ont pas pu le choisir dans le secondaire !).
Nous vous demandons que la réforme du lycée soit simplifiée afin que les emplois du temps soient réalisables sans détruire une discipline et sans que les professeurs d’italien aient à convaincre sans arrêt leurs chefs d’établissements du bien-fondé de leur enseignement. Vous apaiseriez ainsi les conflits dans les lycées, rendant l’atmosphère plus propice au travail, surtout dans la période que nous traversons.
Nous vous demandons de réaliser un document vidéo de promotion de la langue italienne, comme vous l’avez fait pour l’allemand, car votre mission au sein de la République n’est pas de protéger les postes de certains au détriment des autres. Cette promotion ciblée se fait aux dépens de l’Italien, d’un enseignement de qualité d’une langue majeure en Europe, langue d’un pays signataire du Traité de Rome, la langue de la culture dans laquelle notre pays baigne encore aujourd’hui, langue du 2ème partenaire économique de la France, du 1er partenaire économique du quart sud-est de la France, langue de l’inventivité, du design, des arts, langue cousine de la nôtre que les élèves regretteraient tellement de ne plus pouvoir étudier ! Et nous vous demandons, par souci d’équité, de mettre en ligne le document vidéo que vous aurez réalisé sur tous les sites des établissements français, publics comme privés.
Nous vous demandons enfin et encore, avec nos collègues de la SIES (enseignement d’italien dans le supérieur), d’ouvrir beaucoup plus de postes aux concours, car en italien nous manquons très cruellement d’enseignants et les postes actuels ne peuvent tenir que si nous avons assez de professeurs pour les y nommer ou pour remplacer les congés maternité ou autres. Or, le nombre de postes au CAPES d’italien bat actuellement des records d’insuffisance… tandis que nous avons des enseignants, dans des zones de montagnes enneigées et verglacées qui se déplacent sur 3 ou 4 établissements au péril de leur vie et, comme nous manquons d’enseignants, ils le font en heures supplémentaires.
Il est une logique que nous refusons : celle qui consiste à supprimer des postes d’italien aux concours pour que nous manquions d’enseignants, que les classes d’italien ferment, que les élèves ne puissent plus le choisir et que vous puissiez dire à la fin qu’aucun élève n’a choisi l’italien. C’est ce qui se passe dans plusieurs départements, cela nous est insupportable.
Monsieur le Président,
L’italien est une langue recherchée sur le marché de l’emploi. Nous sommes heureux de voir des Italiens venir nombreux s’installer en France pour y être embauchés dans différents secteurs, justement parce qu’ils parlent italien. Mais, alors que vous recherchez par tous les moyens à relancer l’emploi, pourquoi empêcher nos élèves d’accéder à ces postes en supprimant nos classes par souci d’économie ? La rentabilité, en matière d’éducation n’est pas immédiate, nous le savons. Mais, si nous pouvons former nos élèves correctement, alors dans 8 ou 10 ans ils trouveront du travail.
Et d’ailleurs, pourquoi, comme l’a imposé l’Arrêté du 03 avril 2020, contraindre tous les étudiants de Licence à passer une certification en langue anglaise et non pas une certification dans tout autre langue étrangère ce qui, pour l’italien, permettrait de recruter des enseignants remplaçants ?
Les représentants de la FNAI et de la SIES vous remercient au nom de leurs nombreux adhérents des différentes régions de France de bien vouloir prendre en compte leurs requêtes de façon urgente.
Veuillez recevoir, Messieurs les Présidents, Madame et Messieurs le Ministres, Madame l’Ambassadrice, l’expression de notre profond respect.
Pour la Fédération Nationale des Associations d’Italianistes (FNAI),
Sylvie QUENET
Pour la Société des Italianistes de l’Enseignement Supérieur (SIES),
Jean Luc NARDONE
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