Des soldats français acclamés par des civils hutus, le long de la route menant à Butare, le 1er juillet 1994. PHOTO / José Nicolas / Hans Lucas via AFP
8000 documents d’archives dépouillés, deux ans de travail, mille deux cents pages : la commission présidée par l’historien Vincent Duclert, vient de rendre public le rapport qui porte son nom. L’objet de « ce travail scientifique assez colossal » selon l’Élysée commanditaire du rapport , porte sur l’engagement de la France au Rwanda en soutien au régime hutu entre 1990 et 1994, régime coupable du génocide de prés d’un million de tutsis. Histoire d’une faillite française titre le quotidien le Monde dans un grand dossier publié le we dernier.
« Cécité absolue… »
En bref, responsable mais pas complice. Le gouvernement français, et singulièrement François Mitterrand et une poignée d’individus autour de l’état major particulier (EMP) de la présidence , porte une responsabilité lourde et accablante. « La crise rwandaise s’achève en désastre pour le Rwanda, en défaite pour la France. La France est-elle pour autant complice du génocide des Tutsis ? Si l’on entend par là une volonté de s’associer à l’entreprise génocidaire, rien dans les archives consultées ne vient le démontrer. La France s’est néanmoins longtemps investie aux côtés d’un régime qui a encouragé des massacres racistes. Elle est demeurée aveugle face à la préparation au génocide par les éléments les plus radicaux de ce régime » conclue la commission. Cette présentation des choses permet cependant à Hubert Védrine, l’un de ceux qui eurent un rôle central dans cette faillite, de se féliciter du fait que ce rapport » écarte toute complicité de la France”, “compte tenu des accusations qui circulent depuis une quinzaine d’années » dit-il. Quant à B Kouchner alors ministre de la Santé et de l’humanitaire, il en remet aujourd’hui une couche : « Hubert Védrine, les gens de l’Élysée, le général, le général Huchon ont fait preuve d’une cécité absolue » assure l’ancien ministre.
Pour l’association Survie qui se bat depuis des années pour faire la lumière sur ces évènements, il s’agit d’ « une analyse superficielle qui exonère à tort l’État français.» La commission écrit Survie exclut donc que « les autorités françaises aient pu se rendre complices des auteurs du génocide. Cette définition est erronée. Se rend en effet complice celui qui aide le criminel, en connaissance de cause, avec un effet sur le crime commis, sans pour autant partager son intention. A l’évidence la commission est sortie de son rôle d’analyse historique pour endosser un rôle politique au service du pouvoir ». fin de citation
« Nous ne les oublierons pas »
Il est exact que furent écartés de cette commission composés de 13 chercheurs, des historiens spécialistes du Rwanda, comme Stéphane Audouin Rouzau, ou encore Hélène Dumas, en raison pour cette dernière, de propos hostiles à l’armée française. Pas de voix à priori discordante donc.
Pour rappel : en 1998 une commission d’information parlementaire sur le Rwanda présidée par Paul Quilès et dont Pierre Brana alors député du Médoc fut le rapporteur, concluait à des « erreurs d’appréciation” et des “dysfonctionnements institutionnels.”
Aujourd’hui, on parle de « responsabilités lourdes et accablantes », ça avance mais pour les victimes et leurs descendants, le compte n’y est toujours pas, même si l’ultime conclusion du rapport en appelle à leur mémoire : « La réalité fut celle d’un génocide précipitant les Tutsis dans la destruction et la terreur. Nous ne les oublierons jamais »
Jean-François Meekel