Avenue de l’Opéra Paris ou se trouve le siège du Siècle
Matzneff et Duhamel ou l’endogamie du pouvoir, ce pourrait être le titre de ce papier, les affaires de sexe concernant ces deux sommité,s objets de deux très beaux livres d’ailleurs écrits par leurs victimes, ont mis en évidence les complicités lâches des élites qu’elles soient politiques, économiques ou littéraires.
Olivier Duhamel a dû démissionner de ses fonctions qu’on a alors découvert fort nombreuses : surhomme qui pouvait simultanément enseigner dans 4 universités et écoles, présider la fondation de Sciences Po et le Siècle, ce club des élites, conseiller des présidents dont celui du conseil constitutionnel, être au passage élu député européen. Et j’oublie les fonctions d’éditorialiste, d’animateur radio, de directeur de collection, d’auteur prolixe, il préside aussi plusieurs jurys littéraires…etc. etc… Quel homme ! On a envie de le mettre au pluriel. On ne sait rien des ses émoluments mais on se doute en revanche du pouvoir dont toutes ses positions et fonctions pouvaient le créditer et on comprend mieux l’omerta quasi générale qui a suivi les révélations d’inceste sur son beau-fils…
Ceci dit, le cas Duhamel quelque grave soit-il met surtout en évidence ce que Natacha Polony décrit ainsi dans Marianne ; « Un tel cumul ne dérangeait pourtant personne jusqu’à présent. Pas plus que les « amitiés » qui se lient depuis des décennies dans des sphères où toute pensée divergente vaut procès en illégitimité. La dénonciation des réseaux de pouvoir et de l’endogamie entre haute administration, dirigeants politiques, patrons du CAC 40 et milieux d’affaires se voyait même taxée de complotisme, nouvelle dénomination de la « dérive fasciste ». L’éditorialiste et directrice de la rédaction de Marianne, hebdo qui défend en particulier des positions souverainistes, s’en prend en particulier au Siècle, « ce club si fermé dont on reparle tout à coup, n’est pas le lieu où se décide la politique de la France. Mais s’y rencontrent des gens cooptés, persuadés qu’ils ont vocation, et même légitimité, à diriger, parfois contre les citoyens, puisque, par définition, ils savent mieux qu’eux ce qui est bon pour le pays. » Polony rappelle la fermeture idéologique et l’échec global de ce milieu où l’on retrouve tiens ! tiens ! le cabinet McKinsey.
« les échecs du néolibéralisme autoritaire, de son inflation administrative et de son incapacité à mener une quelconque politique industrielle ne sont plus à démontrer – mais parce que cela laisse croire à un nombre croissant de citoyens que, si la démocratie se réduit à ça, il vaudrait mieux essayer autre chose.
Face à ce danger, l’urgence n’est pas de suivre ceux qui prétendent décapiter les élites mais de se souvenir que la promesse républicaine est celle d’élites désignées selon le mérite, en perpétuel renouvellement, et issues de toutes les strates, de toutes les couches sociales de la nation. Tel devrait être le préambule de tout programme politique. »
Le Monde diplomatique de février publie à propos du Siècle une longue enquête confiée à 3 sociologues. Elle est intitulée “aux dîners du siècle le pouvoir se restaure”, car en effet au Siècle on refait le monde mais en fait on mange , une fois par mois, au siège de l’automobile club de France place de la Concorde pas loin de l’Assemblée nationale, c’est pratique.
un banquet très ritualisé qui réunit quelques 700 convives attablés par 8 et dont le contenu des conversations doit rester secret. Pour pénétrer ce cénacle cadenassé, il faut être parrainé par deux des membres et au terme d’une période probatoire, le conseil d’administration vote l’admission définitive ou pas . « Dès lors, précise le Diplo, l’enjeu pour le futur impétrant consiste à se montrer, aux dîners, courtois, informé, intéressé, affable, capable de mots d’esprit et discret »
Sans surprise ses membres sont à 85% des hommes, 55% sont des fils de patrons, de hauts fonctionnaires ou de professions libérales, la moitié sont diplômés d’un institut d’étude politiques, 40% énarques etc. le gratin quoi !
Très majoritairement classé à droite mais pas uniquement, Mitterrand y eut son rond de serviette, Pierre Mendes France en fut et plus récemment Martine Aubry et Pierre Moscovici. L’ancienne patronne de la CFDT, Nicole Notat en fut même la présidente en 2010 en remplacement de …Denis Kessler un dirigeant du patronat « fossoyeur assumé des conquêtes sociales promues par le Conseil national de la Résistance » selon les auteurs.). Le croisement de leurs trajectoires met au jour la fonction principale du Siècle : réunir les élites pour qu’elles œuvrent de concert à la reproduction de l’ordre social
Qui ajoute:” Le Siècle n’est ni un groupe de réflexion, ni un club mondain. En favorisant un dialogue réglé entre patrons, journalistes, politiques, hauts fonctionnaires et, dans une moindre mesure, universitaires ou artistes, cette association cherche à produire du consensus plutôt qu’à constituer des antagonismes politiques.” Et c’est ainsi que la nave va …vogue la galère.
Jean-François Meekel